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ainsi par cette formule expressive le sens de la réforme. Pour saisir l’importance que les Américains lui attachent, il ne faut pas oublier que le besoin s’en fait sentir pour eux plus encore que pour nous. Le temps est passé où cette jeune société démocratique ignorait pour ainsi dire les distances déclassés. L’extension rapide et démesurée de la grande industrie y produit les mêmes effets qu’en Europe par la création d’un prolétariat industriel. Et les conditions qui en résultent dans ce rude milieu sont plus dures que celles qui se sont instituées dans un vieux pays comme le nôtre où a survécu malgré tout un peu de l’ancien esprit qui adoucissait singulièrement les relations sociales au temps jadis.

En même temps, les Américains, imprégnés jusqu’au mysticisme de la conception démocratique qui leur donne une foi illimitée dans la capacité du peuple à participer directement à l’administration et au gouvernement, trouvent naturel d’accorder aux ouvriers une part de direction dans un domaine qui est certainement plus de leur compétence que l’élection des magistrats ou la législation.

Quels sont les résultats obtenus ? La grande association patronale The National Industrial Conference Board a ouvert à la fin de 1919 une enquête à ce sujet. Elle conclut que, les trois-quarts environ des employeurs ayant adopté les conseils d’usine leur sont favorables. Mais pour qu’un Conseil puisse fonctionner dans de bonnes conditions, il ne faut pas qu’il soit imposé comme institution patronale. Les ouvriers doivent être préparés à la réforme et elle ne peut être réalisée que d’un commun accord avec eux. Là où dominent les syndicats et où ils ont réussi à imposer leurs règlements et leurs délégués, inutile de chercher à créer des Conseils. Leur développement n’a été possible aux Etats-Unis qu’en raison de la faiblesse du syndicalisme, qui groupe seulement une petite fraction de la classe ouvrière. Les Trade unions voient bien que l’entente directe entre les patrons et les ouvriers diminue leur puissance, d’où leur hostilité contre les Conseils, qu’ils accusent d’être un instrumentaux mains des patrons.

Toutefois, M. Gompers, le chef très écouté du parti ouvrier aux Etats-Unis, qui combat énergiquement l’action révolutionnaire et est lui-même partisan de la coopération ouvrière et patronale, se montre conciliant à l’égard des Conseils. Peut-être ceux-ci réussiront-ils à se faire accepter par les Trade unions.