forts, même les seuls forts, s’ils n’avaient contre eux tout ce qui ressemble en Chine à une opinion publique.
Les Chinois, en effet, ne sont pas sans apercevoir où les Japonais veulent en venir, et beaucoup leur laisseraient sans répugnance, et non sans dédain, le soin d’être les régisseurs de la Chine. C’est là le sentiment traditionnel de ce peuple, que l’étendue du territoire qu’il occupe et sa multitude même rassurent sur les risques qu’il peut courir. Mais tous ceux qui lisent les journaux, qu’a touchés l’influence étrangère, et principalement les étudiants nous ont emprunté un patriotisme plus susceptible. Ces derniers ont été exaspérés par l’attribution du Chantong au Japon, et ils ont dénié toute valeur morale au traité de paix, que la Chine a refusé de signer en raison de cette clause. Cette opposition aux Japonais est-elle importante, est-elle négligeable ? La réponse diffère du tout au tout, selon l’idée qu’on se fait du présent et de l’avenir de la Chine. Les uns ne doutent pas qu’après des protestations théâtrales, les Chinois ne se soumettent et n’acceptent, comme il est dans leur nature, le fait accompli. Les autres, au contraire, voient dans ces sentiments le premier éveil d’une âme nouvelle. Quoi qu’il en soit, les Japonais ne renoncent pas non plus à agir sur les esprits : ils ont en Chine leurs écoles et leurs professeurs ; on dit même qu’ils se servent du bouddhisme pour leur propagande ; ils usent aussi des journaux.
Les journaux chinois sont très nombreux dans les grandes villes : chacun ne tire guère à plus de mille exemplaires par jour, mais il faut compter qu’un de ceux-ci peut avoir jusqu’à quarante lecteurs. Le public raffole d’histoires de serpents, de monstres, de veaux à deux têtes. Les Japonais, dans les journaux à leur solde, prodiguent ce genre de fables et glissent parmi elles les articles utiles à leur politique. Enfin il faudrait connaître leur action secrète. Ils impriment à Moukden une revue, la Grande Asie, qui est l’organe de la ligue panasiatique, et qui, rédigée surtout en japonais et en chinois, contient aussi des articles en turc et en mongol. Elle ne circule que parmi les abonnés. C’est là, peut-être, le dernier plan de cette politique, qui, tandis qu’elle s’efforce au grand jour d’obtenir pour le Japon une égalité parfaite avec les autres nations, tente aussi, dans l’obscurité, comme les bolchévistes auxquels elle s’oppose, de faire l’unité de l’Asie contre l’homme blanc.