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j’irai chercher à Koniah, sur le tombeau du poète que j’aime et ne comprends qu’à demi, ce qui subsiste des moyens mécaniques inventés par l’Asie pour multiplier l’âme.


L’éducation de l’âme, c’est la grande affaire qui m’a préoccupé et attiré toute ma vie. J’en parle déjà en balbutiant dans Un Homme Libre, et depuis je n’ai pas cessé. Qui donc les sept devant Paris allaient-ils interroger aux Invalides ? Le héros qui a dit : « J’ai l’art de tirer des hommes tout ce qu’ils peuvent donner. » Et nos églises de village ? Je les aime parce qu’elles donnent une culture morale aux plus humbles enfants, aussi bien qu’à Pascal, à J.-J. Ampère et à Pasteur. Il s’agit pour chacun de nous qu’il trouve en soi la source cachée de l’enthousiasme. Il s’agit que chacun devienne lui-même à la plus haute puissance. Mieux que personne, les Orientaux ont su éveiller et déployer cette force motrice que l’individu porte au fond de son être. Ne pouvons-nous plus les appeler à notre secours ? Les grandes leçons que leurs sages ont professées n’ont pas été toutes perdues : elles ont pénétré en Europe ; mais sur place ne seront-elles pas plus émouvantes, plus efficaces ? « Pays des morts, » dites-vous. Soit ! Mais, au fond de la tombe, s’il brillait quelque joyau ?

De nos bibliothèques, de nos laboratoires, de tout notre positivisme, j’ai hâte d’aller à cet inconnu, et, selon mes moyens, d’y mener une enquête. L’Asie est-elle encore gardienne d’une tradition efficace et l’un des espoirs du monde ? La terre où nos congrégations bâtissent leurs écoles se souvient-elle de méthodes dont nous puissions user, garde-t-elle des ferments ? C’est pour le savoir que je me mets en route. J’échouerai sans doute en partie ; mais je me préciserai à moi-même mes curiosités. Qu’est-ce donc qui m’attire dans ce vague et cet indéterminé ? Une fois pour toutes, je veux savoir de quoi je suis obsédé. Quand je ne ferais que dresser un questionnaire, du moins je reviendrai avec des curiosités claires substituées aux parties nocturnes de mon désir.


Et puis, je ne vous dis que la musique d’accompagnement de mon voyage et le halo le plus nébuleux de ma pensée. Au centre, au net, j’ai un projet qui est proprement le corps de mon action et sa partie solide. Je vais dans ce Levant pour y vérifier l’état