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Chronique 31 janvier 1923

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE

Comme le laissait prévoir notre précédente chronique, les troupes françaises et belges, escortant des ingénieurs français, belges et italiens, ont occupé Essen, centre administratif et industriel du bassin de la Ruhr. L’opération, prudemment conduite, sous la haute direction du général Degoutte, s’accomplit sans incidents graves ; les troupes avaient reçu l’ordre de pénétrer le moins possible dans les grandes agglomérations, de se tenir à portée pour agir si besoin était, mais d’éviter les manifestations militaires inutiles. La population, dans son ensemble, resta parfaitement calme. Mais on apprit que, la veille, le Syndicat des charbons (Kohlensyndicat) avait déménagé ses bureaux et ses archives et transporté son siège à Hambourg. Le fait était grave : le Syndicat des charbons est le grand organe régulateur et répartiteur de la production des houillères de la Ruhr. Les propriétaires des mines, qui, avec la complicité du Gouvernement du Reich, se sont dispensés, depuis le mois d’août, de payer l’impôt sur les charbons, préféraient soustraire leur comptabilité à toutes investigations indiscrètes ; ils agissaient d’ailleurs en pleine conformité avec les instructions du Gouvernement.

Ainsi, dès cette première journée, la tactique que va suivre le Cabinet Cuno, obéissant aux injonctions des grands industriels, se dessine : résistance passive, refus des fonctionnaires d’obtempérer aux ordres des autorités militaires franco-belges, interdiction aux chefs d’industrie, ingénieurs, employés, de collaborer avec les ingénieurs alliés. Le bassin de la Ruhr est la plus puissante agglomération de mines et d’industries diverses qui existe au monde ; avec ses milliers d’ingénieurs et de techniciens et ses centaines de milliers d’ouvriers, il est une prodigieuse machine à fabriquer et à vendre, très difficile à faire mouvoir pour qui ne connaît pas le maniement de ses rouages délicats. On verrait les Alliés, et surtout la France, aux