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notre ami Maurice Croiset semble poursuivre avec son cher Platon une rêverie délicieuse. » Puis vient le séjour à Heidelberg, le mariage du philosophe avec Mlle Aline Poincaré en 1878, le tableau charmant du jeune ménage, qui vit à Paris dans un petit appartement du quartier latin, où fréquentent le frère de Mme Boutroux, Henri Poincaré, et son cousin germain Raymond. « Ainsi se noua une intimité que le temps devait rendre plus étroite, entre le philosophe, le mathématicien et le juriste. Elle nous a montré, dans une même famille du vieux type français, une éclatante réunion des serviteurs de la patrie, et le plus beau triumvirat de l’intelligence. » A ces mots, longs applaudissements. Voici maintenant le tableau de la Fondation Thiers, dont Boutroux est directeur : de jolis croquis du philosophe dans son rêve, du voyageur, du musicien, du père enseignant ses enfants.

Ainsi, sans quitter un moment le droit fil, M. de Nolhac orne son ouvrage de toute la beauté que cet ouvrage recèle. La guerre éclate, et à cette torche, le vrai visage de l’Allemagne apparaît. Et enfin les derniers moments sont racontés par les dernières lignes d’une pure et calme beauté : « Aux jours prolongés de sa fin, satisfait de se voir entouré des siens, il se taisait pendant des heures dans son fauteuil de malade. Sa patience inaltérée montrait quelles ressources il trouvait en lui-même et dans la contemplation de l’infini. Le 22 novembre 1921, se brisa la frêle matière qui pesait à son âme. Il pénétra dans l’univers qu’il avait toujours pressenti : jamais regard de métaphysicien ne fut mieux préparé à s’ouvrir sur les visions éternelles. »


Le discours de M. Donnay était fort attendu. Le plus attique de nos auteurs comiques était l’homme qui pouvait le plus justement répondre à un humaniste. Il l’a fait avec beaucoup d’agrément. S’adressant au récipiendaire, il lui a appris sur son enfance tous les détails qu’il tenait de lui-même ; et faisant sienne avec le plus grand sérieux la théorie de Taine, il a montré comment l’Auvergne natale avait déterminé M. de Nolhac à en sortir au plus vite. Cependant M. de Nolhac vient à Paris, et en 1882, à 22 ans, il publie dans la Nouvelle Revue un essai sur le dernier amour de Ronsard, Hélène de Surgères. Avec quel plaisir tendre M. Donnay nous a lui-même redit, avec quels mots un peu ironiques, un peu caressants, cette « touchante histoire ! » Catherine de Médicis commande à Ronsard, père et prince des poètes, et qui touche à la cinquantaine, de servir et