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Adieu ! vous le voyez, je ne puis plus écrire sans souffrir assez pour en être préoccupée ; il me faut de tout à petite dose, même le seul vrai profond plaisir que j’aie, celui d’entrer en communication avec mes amis, de marier mes idées aux leurs. Il n’y a que l’affection que je puis supporter, du poids même de mille atmosphères ; pour cela, j’ai des forces immenses et une âme qui peut répondre à tout. — Mme Rose est bien souffrante ; elle vous désire de passion, chose assez bizarre, après l’accueil de l’an passé. Et Auguste vient-il me voir ? N’espérant pas vous revoir de longtemps, je vous embrasse cordialement comme un bon camarade, passez-moi la vanité de cette comparaison. Carraud vous embrasse de tout son cœur. Je vous aime vraiment bien.

ZULMA.


Auguste Borget répondit plus rapidement que Balzac. Il débarqua chez les Carraud dans la première semaine d’avril, apportant des nouvelles toutes fraîches de son ami Honoré. Il apportait aussi le fameux Louis Lambert et son coffret : Mme Carraud toute joyeuse remercie Balzac.


Le 8 avril 1833.

Auguste est ici ; il m’a donné des nouvelles vivantes de vous ; il m’a semblé un instant vous voir derrière lui ! Même au moment où il est devant moi, coloriant un croquis de votre chambre, je tourne la tête encore pour chercher. Et Louis Lambert... Je l’ai, je l’ai lu, je l’ai couvé. Quelques inexactitudes vous ont échappé, mais vous avez dû les sentir à première lecture. Une seule, et assez importante, n’a été relevée par personne, et je vous la soumets ; plus jalouse de votre gloire que si elle était mienne, peut-être ai-je porté trop de susceptibilité dans cet examen.

Le passage : « Souvent... j’ai fait de délicieux voyages... » me semble contradictoire à l’idée exprimée plus loin par « le mot n’a rien d’absolu... » La première proposition, quoique admettant de nombreuses exceptions, dues à l’influence du climat, et surtout de la plus ou moins grande raréfaction de l’air sur les sons, me semble beaucoup plus vraie que la seconde. Celle-ci peut être admise comme réaction, mais non aussi absolument que vous l’exposez ; et d’ailleurs, il fallait qu’elle fût mise en regard de la première, et ne constituât pas une espèce de principe isolé de l’autre. Méditez bien cela pour votre prochaine édition