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où la magie était avouée. Mais s’accoler au diable, pour n’être qu’un grossier !... Je n’ose achever, car vraiment vous ne me croirez plus digne de vos premières lectures, mais, cher Honoré, je suis femme, et mon esprit est trop limité sans doute pour de telles conceptions.

J’ai lu les Marana, la première partie seulement ; car vous saurez que deux seules personnes à Angoulême reçoivent la Revue, et il m’a fallu je ne sais combien d’intermédiaires pour me la procurer. J’aime la Marana, cette femme qui a un sentiment dans le vice ; c’est beau, les Marana, et je soupire après le développement du naturel de Juana, car je sens bien que vous avez voulu établir deux choses importantes.

Je viens de relire l’inscription du cahier du 28 décembre, le plus récent que nous ayons de la Revue. J’y vois qu’il vous est arrivé un accident. Mon Dieu ! Est-ce encore votre cheval ? Dites à Auguste de m’écrire un seul mot de cela, je vous prie. Puisse cette annonce n’être qu’une défaite du directeur du journal. Mais, par amitié pour moi, ne me laissez pas à cette inquiétude qui me travaille.

C’était hier le 20 I Encore une époque assignée à votre arrivée, de passée 1 Malgré tous mes efforts, je sens l’espoir de vous avoir dileguarsi [1], suivant la délicieuse expression italienne. Ne viendriez-vous donc pas avant d’aller en Italie, où des intérêts de cœur vous appellent ? Enfin, pour mettre le comble à ma contrariété, le volcaméria est stationnaire, malgré la belle saison ; car nous avons un soleil ravissant, une température vivifiante. J’ai vraiment eu peur que nous n’eussions pas de glace à vous offrir cet été ; mais, pendant les deux seuls jours de froid qu’il a fait, un fossé du pré du Nord a gelé, et l’on a comblé la glacière en un seul jour, et bien l’on a fait, car il n’y a plus de glace dans le pays depuis longtemps.

Adieu, cher ; j’espérais, grâce à vous, ne pas trop m’absenter cet hiver, mais le mal est fait. Ah ! que n’ai-je de grands péchés à racheter, par ce purgatoire anticipé ? En avez-vous quelqu’un qui vous pèse ? Je m’en chargerais, et gratis. Je vaux mieux que vos prêtres catholiques. Carraud vous taxe d’inexactitude, ce qui ne l’empêche pas de vous aimer cordialement. Les autres se passionnent à froid pour vous. Auguste est le dieu pour l’instant.

  1. En français : disparaître, s’évanouir.