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demander de se charger immédiatement d’une petite portion de l’emprunt, du quart ou du cinquième, par exemple. Cette condition aurait le grand avantage de les intéresser au soutien de la rente sarde.

Depuis quelques jours, il nous arrive un grand nombre de jeunes gens de la Lombardie qui entrent dans l’armée comme simples soldats. Cela rend indispensable la dénonciation de notre traité avec l’Autriche pour la remise des déserteurs. Nous le ferons le lendemain du jour où l’emprunt sera négocié.

Si, comme tout porte à le croire, ce mouvement continue, il y aura là un bon prétexte pour commencer la guerre. L’Autriche ne peut tolérer que nous incorporions dans notre armée 1 000 ou 2 000 Lombards. Elle réclamera, nous repousserons ses instances et une rupture s’en suivra. Il parait qu’elle veut nous fournir une autre cause légitime de guerre. Elle vient d’activer de nouveau les travaux entrepris autour de Plaisance, suspendus depuis le Congrès de Paris. Nous nous garderons bien de protester pour le moment, afin qu’elle puisse achever des travaux considérables avant que nous n’en demandions la destruction. Cette demande se fondant sur le traité de Vienne, l’Angleterre ne saurait la blâmer. Si l’Autriche refuse d’y faire droit, elle devra reconnaître que nous avons un motif légitime pour commencer les hostilités.

J’ose appeler de nouveau l’attention de Votre Altesse sur la convenance de ne pas laisser porter devant la Conférence de Paris la question des Principautés ; si la diplomatie s’en empare, nous sommes perdus. Si la question des Principautés pouvait se traiter à Constantinople, ce danger serait conjuré.

Je prie Votre Altesse de vouloir bien agréer l’hommage de mon respectueux dévouement.

C. CAVOUR.

P.-S. Cette lettre était écrite lorsque la poste m’en a apporté une de Chambéry, que je crois devoir communiquer à Votre Altesse.

M. J.-J. Rey est un homme de talent, et d’une grande énergie. Je le crois apte à diriger un journal dans des temps un peu agités, lorsqu’il s’agit de mettre en mouvement les passions populaires. Il a toutefois contre lui, le souvenir des écarts d’une jeunesse orageuse, qu’on ne pardonne ni n’oublie dans une petite ville comme Chambéry.