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amené, après les Conférences du 2 janvier, à décider l’occupation de tout ou partie du bassin de la Ruhr ou de tout autre territoire allemand, les modalités d’une telle opération seraient combinées de manière à apaiser les susceptibilités et à calmer les appréhensions de nos alliés. Ceux qui ont assisté aux entretiens de Londres en ont rapporté l’impression bienfaisante que si grandes et évidentes sont la sincérité et le désir d’entente qui animent les Alliés, et notamment les Gouvernements de Londres et de Paris, que l’hypothèse d’une rupture de l’Entente paraît invraisemblable. « S’il advient, a dit M. Poincaré au Sénat, que, sur un point quelconque, nous ne parvenions pas à une solution commune, nous nous arrangerons pour que cette dualité de vues ne prenne jamais la forme d’un désaccord et ne puisse affaiblir ou troubler nos alliances. »

Le plus grand inconvénient de l’ajournement au 2 janvier des entretiens de Londres, c’est qu’il a laissé libre cours à une nouvelle et violente offensive de la presse allemande et de tous les amis de l’Allemagne. La bataille d’opinion est déchaînée. La Ruhr n’est plus présentée comme un gage qui pourrait être éventuellement saisi en garantie d’une dette de réparation, mais comme le symbole des appétits de conquête et de l’esprit de domination des Français. La presse allemande connaît les défiances de certains Anglais et s’applique à les exciter : si on laisse les Français s’établir dans la Ruhr, ils y resteront, ils annexeront la rive gauche du Rhin et, faisant de la Westphalie un État vassal, ils deviendront les maîtres du cours inférieur du Rhin en même temps qu’ils disposeront des usines et des mines du bassin westphalien pour faire à l’industrie anglaise une concurrence désastreuse ; Louis XIV, dans toute sa gloire, n’avait pas rêvé tant de conquêtes. Ces diatribes ne restent pas sans écho : n’est-on pas convaincu, même par les plus médiocres arguments, quand on a bonne envie de l’être ? Les Allemands ne se contentent pas de protester par avance contre toute occupation de la Ruhr, ils réclament l’évacuation immédiate de toutes les régions occupées ; ils veulent en faire, et ils incitent les Anglais à en faire de leur côté, une condition expresse de tout paiement de réparations. Il ferait beau voir ce qu’ils paieraient si, loin de prendre de nouveaux gages, nous abandonnions ceux que nous possédons ! Telle n’était pas la méthode que préconisait l’empereur Guillaume à l’égard d’une France qui s’acquittait avec toute sa bonne foi d’une indemnité de guerre qui n’était pas la réparation d’abominables et volontaires destructions ; le Temps a rappelé à propos une dépêche