Et moy, sachant cette inconstance,
Le mien autre part j’ay rangé ;
Jamais plus beauté si légère
Sur moy tant de pouvoir n’aura :
Nous verrons, volage bergère,
Qui premier s’en repentira.
Tandis qu’en pleurs je me consume,
Maudissant cet esloignement,
Vous, qui n’aimez que par coutume,
Caressiez un nouvel amant.
Jamais légère girouëtte
Au vent si tost ne se vira ;
Nous verrons, bergère Rosette,
Qui premier s’en repentira.
Où sont tant de promesses saintes,
Tant de pleurs versez en partant ?
Est-il vray que ces tristes plaintes
Sortissent d’un cœur inconstant ?
Dieux, que vous estes mensongère !
Maudit soit qui plus vous croira !
Nous verrons, volage bergère,
Qui premier s’en repentira.
Celuy qui a gaigné ma place,
Ne vous peut aimer tant que moy ;
Et celle que j’aime vous passe
De beauté, d’amour et de foy.
Gardez bien vostre amitié neuve,
La mienne plus ne variera,
Et puis nous verrons à l’espreuve
Qui premier s’en repentira.
Cette villanelle que le duc de Guise, insouciant de la mort, fredonnait, dit-on, chez Mme de Sauve, quelques heures avant de tomber sous le poignard des Quarante-Cinq, passe à juste titre pour une des merveilles de noire poésie légère.
Elle fut, jusqu’au XVIIIe siècle, mise en musique un grand nombre de fois, notamment, dès 1575, par Eustache du Caurroy, « chantre de la chapelle de musique du Roy » qui obtint un « cornet d’argent » au « puy » musical fondé à Evreux par Guillaume Costeley, pour un air à quatre parties qu’elle lui avait inspiré.