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obtenu de la Bolivie la cession de sa province maritime d’Atacama, le Chili avait transféré à la Bolivie, par une convention secrète, la souveraineté qu’il devait acquérir sur Tacna et Arica à la suite du traité d’Ancon ; la Bolivie retrouvait ainsi, aux dépens de son ancien allié, un débouché sur l’Océan Pacifique ; mais cette négociation n’était pas faite pour activer la solution de la difficulté avec le Pérou. Toutefois, des difficultés s’élevaient avec la République argentine au sujet du tracé de la frontière commune en Patagonie ; le Chili, rendu plus conciliant, signait alors, avec le Pérou, le traité du 9 avril 1898, qui soumettait à l’arbitrage de la Reine régente d’Espagne le litige auquel donnait lieu l’établissement du protocole prévu par le traité d’Ancon. Il semblait donc que la question allait être enfin réglée, quand le conflit avec la République argentine reçut une solution pacifique : la Chambre des députés du Chili ajourna alors la discussion du traité du 9 avril avec le Pérou, et aussi celui de 1895 avec la Bolivie, qui restait toujours en suspens.

Il s’agissait d’un changement complet dans la politique chilienne, qui se décidait à tenter de nationaliser les populations des territoires occupés depuis vingt ans. Tous les moyens furent employés : l’armée d’abord, par l’application du service militaire et par la concentration des troupes ; l’école, où les instituteurs chiliens remplacèrent les instituteurs péruviens ; l’église, dont les prêtres péruviens furent expulsés ; les travaux de toute nature, construction et exploitation des chemins de fer, et des mines, où affluèrent les ouvriers chiliens ; les concessions de terre faites au détriment du domaine public et au bénéfice de colons chiliens auxquels des lois spéciales donnèrent des avantages particuliers ; enfin le moyen simple d’expulsions arbitraires faites par fournées.

Certaines de ces mesures étaient manifestement contraires au traité d’Ancon, qui avait soumis aux lois chiliennes les populations des territoires occupés, mais non à un régime d’arbitraire sans limite ; en particulier la fermeture des oratoires privés après celle des églises et l’expulsion des prêtres péruviens furent déclarées illégales par le tribunal chilien de Tacna : il y a donc des juges au Chili. Le Parlement chilien entendit à plusieurs reprises les critiques de ses membres à cette occasion : elles restèrent aussi inutiles que les protestations du