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vicissitudes de la politique quotidienne. Et c’est, pour l’avenir, un puissant réconfort et une jurande sécurité.

Le débat sur la politique extérieure du Gouvernement était annoncé comme devant être l’occasion d’une grande manifestation des partis d’extrême-gauche. Un « bloc des gauches » puissant s’opposerait au « bloc national » qui, paraît-il, ne serait pas « républicain » selon les bonnes formules du temps de M. Combes. Sous couleur d’un programme de politique extérieure, c’est en réalité d’une manœuvre à longue portée, préparatoire des élections de 1924, qu’il s’agissait : entente cordiale des communistes, des socialistes et des radicaux-socialistes. Mais les réalités d’aujourd’hui sont rebelles aux vieilles formules. Il n’y a peut-être pas, à gauche, un Français qui ne veuille de tout son cœur que l’Allemagne paye et répare ; et il n’est sans doute pas un Français, à droite, qui désire, sans absolue nécessité, mobiliser et entrer dans la Ruhr ou à Francfort. Un accord devrait donc être facile sur le large terrain de l’intérêt national, n’étaient les vieilles passions et les petits intérêts. Malgré son talent, que l’on aimerait à voir employé à de meilleures besognes, M. Herriot n’a pas réussi à convaincre ses auditeurs que le fossé soit très profond entre lui et la majorité compacte qui a soutenu M. Poincaré. Au vote, 426 voix contre 143 ont repoussé la priorité réclamée pour l’ordre du jour radical-socialiste de M. Renard accepté par les socialistes et voté par les communistes. Au scrutin sur l’ordre du jour de confiance, la minorité n’était plus que de 96 voix. MM. Herriot et Renard s’étaient abstenus. C’était la déroute du bloc des gauches, l’échec du mariage par ambition entre les communistes fidèles, selon le conseil de Trotsky, à « cultiver la violence » et les radicaux-socialistes attachés à ce que le dictateur de Moscou appelle dédaigneusement « l’idéologie démocratique bourgeoise. » Utile au rayonnement extérieur de la politique française, le grand débat des 1er et 2 juin, que domine le discours de M. Poincaré, a servi aussi à éclaircir la politique intérieure, à préciser la position respective des partis, à montrer qu’il ne devrait en réalité en exister qu’un seul, celui de tous les bons Français derrière le chef en qui le pays a mis sa confiance et dont quatre mois d’exercice du pouvoir ont encore accru l’autorité.


RENÉ PINON.


Le Directeur-Gérant :

RENE DOUMIC.