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Rhin. Il a judicieusement développé tous les aspects, politiques, militaires, économiques, de ce grave problème qui domine pour ainsi dire notre histoire nationale, puisqu’il se posait déjà entre la France et la Germanie au temps de Lothaire et que le fameux « traité de partage, » signé à Verdun en 843, nous est encore utile à méditer aujourd’hui.

Après un attentif examen, Nicolas II a reconnu la légitimité des garanties que nous réclamons et il a promis de s’employer à les faire inscrire dans le traité de paix.

Doumergue a exposé ensuite que les Alliés devraient se concerter pour dénier aux Hohenzollern le droit de parler au nom de l’Allemagne, quand sonnera l’heure des négociations. C’est là une idée que l’Empereur caressa depuis longtemps et dont il m’a plusieurs fois entretenu ; il a donc promis à Doumergue de faire étudier la question, aux points de vue historique et juridique, par son ministre des Affaires étrangères.

On a encore échangé quelques paroles sur l’avenir de l’Alliance, sur les sentiments fraternels qui unissent dorénavant et pour jamais la France et la Russie, etc. Après quoi, l’audience a pris fin.


A huit heures, dîner de gala au palais Alexandre. En vérité, le gala ne se révèle que dans les livrées, le luminaire et l’argenterie ; car le menu est d’une extrême simplicité, d’une simplicité toute bourgeoise, qui contraste avec le luxe ancien et renommé de la cuisine impériale, mais que les convenances morales imposent en temps de guerre.

Le tsar a sa physionomie des bons jours : il craignait, me dit-on, que les délégués ne lui fissent entendre quelque ennuyeux conseil de politique intérieure : il est maintenant rassuré. La tsarine, souffrante, est restée dans son appartement.

A table, l’Empereur a Buchanan à sa droite et Carlotti à sa gauche. Le comte Fréederickz, ministre de la Cour, est assis en face de Sa Majesté ; je suis à sa droite et j’ai, moi-même, à ma droite, le prince Nicolas Golitzine, président du Conseil.

Le vieux et excellent comte Fréederickz, très fatigué par l’âge, me raconte combien il souffre des attaques de presse ou des épigrammes de salon qui le représentent comme un Allemand :

— D’abord, me dit-il, ma famille n’est pas d’origine allemande,