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origines, c’est dans l’organisation même de l’équilibre économique dans l’Empire britannique qu’il les faut chercher. Avec une agriculture à peine suffisante pour nourrir pendant un tiers de l’année sa population trop dense, l’Angleterre ne peut vivre qu’en achetant des denrées alimentaires et, pour ne pas se ruiner, il lui faut vendre, vendre encore des produits manufacturés. Or les débouchés se ferment ; les colonies anglaises tendent à se suffire à elles-mêmes ; elles tissent leurs propres laines, leurs propres cotons ; partout la cherté des prix limite la consommation. Cette crise de consommation, que les économistes n’avaient pas prévue, rien ne peut l’arrêter, si ce n’est un rétablissement général de la confiance et de la sécurité ; aucune Conférence de Gênes, aucun discours, ne peut empêcher le consommateur européen de porter un an de plus son costume en drap de Manchester. Et c’est la cause vraie du chômage anglais ; en faire porter la responsabilité à la politique française des réparations est absurde, injuste, souverainement impolitique. Le seul moyen de rétablir en Europe la confiance en l’avenir est d’assurer le respect des conventions et des signatures. M. Benès, avec son vigoureux bon sens, constatait le 1er juin, devant son parlement, que le problème de la reconstruction de l’Europe ne fait qu’un avec le problème des réparations, qui doit être réglé entre l’Angleterre, la France et l’Allemagne ; et il ajoutait : « Il peut y avoir des divergences de vues sur les questions de détail, mais en principe on ne peut rien reprocher à la politique française des réparations. »

La date du 31 mai, dont l’Europe redoutait l’échéance, a paru tout d’abord apporter, dans une situation obscure, un trait de lumière ; mais la situation intérieure de l’Allemagne est compliquée, et réagit sur la question des réparations. A Gênes, le chancelier Wirth, à la suite de conversations avec M. Lloyd George, avait cru pouvoir compter, dans des conditions très favorables, sur un emprunt international. Mais, en rentrant de Gênes à Berlin, le chancelier eut la surprise d’y trouver son ministre des Finances, M. Hermès, qui, revenant de Paris, rapportait de ses entretiens avec les membres de la Commission des réparations, un projet, dit projet Bradbury, auquel il avait donné son approbation. La note allemande du 28 mai, en réponse au président de la Commission des réparations, reproduit dans ses grandes lignes ce projet ; elle est donc, autant qu’il nous est possible de le savoir, le résultat d’un succès remporté par M. Hermès sur le chancelier. Celui-ci estimait qu’il aurait fallu d’abord obtenir la certitude de la réussite d’un emprunt avant de déférer aux conditions