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payer... Alors je demanderai au Gouvernement si l’Angleterre est prête à insister pour que les paiements de l’Allemagne soient effectués en conséquence. On nous dit que la France agira sans nous consulter et qu’elle pénétrera dans la Ruhr. Je suis certain qu’elle ne fera rien sans tenir compte de l’Angleterre, et qu’elle compte sur une entière coopération de l’Angleterre ; mais il faut que vous aidiez la France à trouver quelque moyen de contraindre l’Allemagne à payer... »

Or l’Allemagne peut payer tout ce qu’elle doit. Un grand industriel anglais, M. George Terrel, président de l’Union nationale des Manufacturiers, député aux Communes, a récemment apporté sur ce point, tant à Londres qu’à Paris où il a été l’hôte d’un groupe d’industriels français, un témoignage important. « Nous autres, commerçants et industriels, nous avons la ferme conviction que l’Allemagne peut payer. Nous avons visité, ses campagnes, ses usines, ses villes. Nous avons vu ses hommes, ses femmes, ses enfants bien nourris. Nous n’avons constaté aucun signe de détresse, comme malheureusement il en est trop dans n’importe quelle grande ville industrielle britannique. Et nous étant rendu compte que l’Allemagne peut payer, nous industriels, nous tenons à ce que l’Allemagne paye... Les uns et les autres (Français et Anglais) nous nous trouvons aujourd’hui devant le peuple allemand qui veut faire et a tout fait pour faire banqueroute. Traitons donc les banqueroutiers en banqueroutiers. » Le langage des industriels anglais vient ainsi compléter celui de l’ancien et très respecté ambassadeur à Paris et lui donner sa pleine signification.

A qui veut bien comprendre, selon le vœu de M. Bonar Law dans son discours du 22 mai, l’état d’esprit de toute une catégorie d’Anglais, et mesurer la réalité de leurs souffrances, il convient de méditer la phrase qu’écrivait récemment, dans le Berliner Tageblatt, M. Thomas, le député travailliste anglais bien connu. « La France est moins à plaindre que l’Angleterre ; même si elle ne touchait rien, son agriculture prospère la sauverait de la famine et de la ruine... Aujourd’hui l’ennemi est aussi le client qu’il faut ménager. » De ces significatives paroles écartons d’abord ce qu’elles ont de vraiment odieux à l’égard de la France et d’encourageant pour toutes les résistances allemandes, et retenons seulement la profonde inquiétude qu’elles révèlent. Mais cette misère menaçante, réelle déjà parmi deux millions de chômeurs, ce n’est pas la guerre seule, ce sont encore moins les réparations qui en portent la responsabilité ; ses