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C’est cette politique traditionnelle que nous avons poursuivie après Waterloo envers la France... Mais si l’on nous dédie, si l’Allemagne venait nous dire : Ce traité nous refusons de l’exécuter, ce serait différent. » Deux singularités, dans ces dernières lignes, arrêtent l’attention d’un lecteur français ; M. LIoyd George nous permettra de les lui signaler. Si l’Angleterre fait une politique de modération qui lui vaut les critiques françaises, c’est donc que la France fait une politique de violence, d’intransigeance, ce qui est contraire à la réalité et ce qu’il est dangereux de dire aux Allemands ; c’est fournir des arguments à leur rancune historique contre la France qui n’est pas séparée d’eux par la mer. En second lieu, M. Lloyd George, qui déjà dans son discours du 25, avait hasardé sur la Révolution française des affirmations inexactes, fait, à l’époque qui a suivi Waterloo, une allusion qui n’est pas plus heureuse ; ce que précisément l’opinion française éclairée reproche à M. Lloyd George, c’est de n’avoir pas pris, en 1919, à l’égard de l’Allemagne, plus dangereuse cependant que la France de Louis XVIII, des précautions politiques et militaires de même valeur. C’est l’Angleterre qui, en 1815, a voulu constituer, pour tenir en bride les ambitions françaises, une puissante barrière composée d’abord des Pays-Bas, Belgique et Hollande réunies, auxquels elle a fait annexer des places françaises comme Philippeville et Marienbourg afin de tenir toujours ouverte la trouée de l’Oise, route de Paris ; ensuite, nous furent enlevées une série de places françaises : Sarrelouis, Sarrebruck, Landau, etc. ; enfin, sur le Rhin, à Cologne, à Aix-la-Chapelle, on installa la Prusse. Ce fut le chef-d’œuvre ! Si l’Angleterre avait pratiqué, à l’égard de l’Allemagne vaincue, la politique de 1815, c’est elle-même qui aurait insisté pour que la Rhénanie fût « déprussianisée, » sans être pour cela arrachée à l’Allemagne, et neutralisée. Il est encore temps, pour M. Lloyd George, de mieux profiler des enseignements de l’histoire. La clef de la paix européenne est sur le Rhin.

L’histoire de l’Irlande pourrait, elle aussi, apporter au Premier ministre, dans la cruelle anxiété où il se débat, des enseignements précieux. Le sang coule en Irlande, et le canon anglais tonne : c’est le terrible héritage des siècles d’oppression. Le traité anglo-irlandais du ê décembre n’a été ratifié qu’à une faible majorité par le Dail Eirean et le chef du Gouvernement provisoire, M. Michael Collins, partisan, avec la grande majorité du pays, de l’exécution du traité, n’a pas réussi à vaincre l’opposition des intransigeants, dont le chef est M. de Valera. Ceux-ci ont résolu d’empêcher, fût-ce par la force, les élections