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alors recteur de l’Académie de Dijon, à qui on doit un beau livre, sur la « Psychologie inconnue, » avait proposé le mol parapsychique. C’est le néologisme de M. Charles Richet qui a justement prévalu et qui est aujourd’hui universellement adopté.

M. Richet définit ainsi la métapsychique : C’est une science qui a pour objet des phénomènes, mécaniques ou psychologiques, dus à des forces qui semblent intelligentes, ou à des puissances inconnues latentes dans l’intelligence.

Cette définition, je l’avoue, si compréhensive qu’elle soit, ne me satisfait pas entièrement.

La lévitation, le déplacement sans contact des objets, tout cet ensemble de phénomènes que M. Richet a si heureusement rangés sous le nom de télékinésie (et dont nous ne discutons pas pour l’instant la réalité), rentre évidemment dans la métapsychique. Tel est bien l’avis de M. Richet.

Or, d’après la définition, cela implique que ces phénomènes sont dus à des « forces qui semblent intelligentes. » La définition, qu’elle le veuille ou non, ne présuppose-t-elle pas ainsi une explication, une théorie du phénomène, une hypothèse sur la nature de sa cause, et n’est-ce pas précisément ce que par ailleurs on a voulu éviter ? Supposé prouvée l’existence de la télékinésie, ne pourrait-on pas l’attribuer à des forces inconnues et purement physiologiques ? Et d’ailleurs le seul fait de distinguer l’ « intellectualité » de ces phénomènes, de « ce caractère de fatalité attaché aux phénomènes mécaniques et chimiques de la matière, » n’implique-t-il pas des hypothèses particulières sur les rapports du psychologique et du physiologique ? Ne marque-t-il pas une sorte de position prise, — peut-être excellente, mais particulière, — sur le déterminisme des phénomènes dits psychologiques ? Et ne peut-on pas alors poser la question si bien indiquée par Laplace (Essai philosophique sur les probabilités, 1814), lorsqu’il écrit : «... Le principe de la raison suffisante s’étend aux actions mêmes que l’on juge indifférentes. La volonté la plus libre ne peut, sans un motif déterminé, leur donner naissance ; car si, toutes les circonstances de deux positions étant exactement semblables, elle agissait dans l’une et s’abstenait d’agir dans l’autre, son choix serait un effet sans cause ; elle serait alors, dit Leibnitz, le hasard aveugle des Épicuriens. L’opinion contraire est une illusion de l’esprit... »

Il n’est point prouvé du tout que Laplace et Leibnitz aient raison, mais enfin on peut se le demander à propos de cette définition de la