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saladier, donne l’exemple aux autres qui, toutes, jeunes, mûres, vieilles, à sa suite, troussent tour à tour leurs cottes et sautent, et continuent jusqu’à essoufflement, parmi les pouffées de rire, tandis que l’on voit le vin se rider au vent brusque des bonds... Enfin, les jupes retombent. On a soif. Le saladier remonte sur la table. Et la voisine décroche une louche. Et elle la plonge dans le vin, et elle l’élève toute remplie, y boit, la passe, l’envoie circuler de bouche en bouche jusqu’à la dernière invitée. Et tout le rite de la roste est accompli. Je me trompe. Il reste l’enfant. La goutte du fond lui est réservée. On attend qu’il rêve aux anges, et la perle liquide roule sur son sourire, roule ardente et sucrée.

Pour les noces, les voisins s’empressent. A peine la jeune fille est allée à la foire du Houga, le 2 janvier, la foire des fiancés, seule avec son promis, en le tenant par le petit doigt, elle devient le souci de la famille. Partant des premiers voisins. L’homme est requis pour trouver les jeunes pins, aux aiguilles vives, à planter à l’entrée de la maison, le buis immortel et les fleurs en bouton pour les guirlandes et les couronnes du seuil, les bancs, les chaises, les tables qui serviront au festin ; il les fournit à l’ordinaire : et la femme, pour procurer le linge, les assiettes, les verres, les couverts qui grossiront l’apport de la maison. Enfin, la voisine est retenue comme seconde « daoune, » maîtresse du logis, pour cuisiner, servir, veiller à tout. La confiance est telle entre les deux ménages que la voisine use du poulailler comme du sien, saigne et plume, et que le voisin a la haute main sur la cave. Il règle la consommation du vin, épargnant au père l’ennui de refuser... Mais la manifestation foncière est la « passade » du lit, que dirige et que « chante » la première voisine.

On appelle ainsi le transport du lit et de l’armoire de la fiancée chez le fiancé. Arrivés la veille chez la jeune fille, ils attendent de « passer : » meubles de chêne ou de châtaignier massif, chevillés pour durer une vie. Un « troupeau » de femmes, les mêmes souvent qui ont sauté par-dessus le saladier, est assemblé devant le seuil, entre les chars, celui du père qui transporte le lit et l’armoire, celui du voisin qui conduit le groupe. Ces attelages sont couverts de « linceuls, » de draps blancs piqués de fleurs, les aiguillons sont noués de rubans multicolores. On embarque les femmes sur leur char, où la voisine