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Laissant le général de Castelnau aux soins de mon attaché militaire, j’emmène Doumergue à l’Hôtel de l’Europe.

Il m’interroge sur la situation intérieure de la Russie. Je la lui dépeins, sans ménager les couleurs sombres, et je conclus à la nécessité de presser les événements militaires.

— Du côté russe, dis-je, le temps ne travaille plus pour nous. On se désintéresse de la guerre. Tous les ressorts du Gouvernement, tous les rouages de l’administration se détraquent, l’un après l’autre. Les meilleurs esprits sont convaincus que la Russie marche à l’abîme. Il faut nous hâter.

— Je ne croyais pas le mal si profond.

— Vous vous en rendrez compte par vous-même.

Il me confie ensuite que le Gouvernement de la République voudrait obtenir de l’Empereur la promesse expresse de faire insérer dans le traité de paix une clause accordant à la France toutes les garanties qu’elle croira devoir s’assurer dans les provinces rhénanes pour se prémunir contre un réveil ultérieur du militarisme allemand.


Après un déjeuner intime à l’ambassade, je conduis Doumergue et le général de Castelnau au ministère des Affaires étrangères, où la conférence doit tenir une séance préliminaire et officieuse, pour établir les bases de ses travaux.

Sont présents :

Pour la Russie : M. Pokrowsky, ministre des Affaires étrangères ; le grand-duc Serge-Michaïlovvitch, inspecteur général de l’artillerie ; M. Woynowski, ministre des Voies de communication ; M. Bark, ministre des Finances ; le général Biélaïew, ministre de la Guerre ; le général Gourko, chef de l’État-major du Commandement suprême ; l’amiral Grigorowitch, ministre de la Marine ; M. Sazonow, qui vient d’être nommé ambassadeur à Londres, et M. Nératow, adjoint du ministre des Affaires étrangères ;

Pour l’Angleterre : Lord Milner, ministre sans portefeuille ; Sir George Buchanan ; lord Revelstoke et le général Sir Henry Wilson ;

Pour l’Italie : M. Scialoja, ministre sans portefeuille ; le marquis Carlotti et le général comte Ruggieri ;

Pour la France : M. Doumergue, ministre des Colonies ; le général de Castelnau et moi.