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En somme, — et pour conclure, — il n’est pas d’instrument de guerre unique, complet, se suffisant toujours à lui-même. Il n’est pas d’arme qui, isolément, puisse amener un résultat décisif. La nécessité de la combinaison des armes ne sera jamais un vain mot, et l’art consistera toujours à mettre en œuvre, dans un puissant accord, leurs propriétés diverses.

Et si de ce rapide coup d’œil sur le passé, nous cherchons à dégager quelques enseignements pour l’avenir, nous voyons que l’armement et l’outillage dont la cavalerie est aujourd’hui dotée, ont agrandi et multiplié ses moyens d’action ; que, dans la période du début des opérations, elle reste le meilleur instrument d’exploration et de couverture ; que, dans la bataille, il faudra sans cesse faire appel à sa mobilité et à sa vitesse, soit dans la défensive, pour masquer des intervalles, obturer des trouées, couvrir ou prolonger une aile ; soit dans l’offensive, pour envelopper une aile adverse, pénétrer rapidement dans une brèche et exploiter le succès.

Nous voyons enfin qu’il n’y a pas de véritable et décisive victoire sans la poursuite, la poursuite immédiate, complète, inexorable, qui désorganise les armées battues, les empêche de se ressaisir, et finalement les accule à la capitulation ; et que la cavalerie reste l’arme souveraine de cette poursuite.

A quoi bon des succès qui, comme ceux de Ludendorff en 1918, viennent expirer à bout de souffle devant l’Avre et devant la Marne ? A quoi bon une artillerie formidable qui écrase l’adversaire, et une infanterie mordante qui, réduisant ses dernières résistances, enfonce son dispositif de bataille ?... si l’infanterie et l’artillerie doivent s’arrêter brusquement au bout de leur effort ; et si l’ennemi reste libre de reconstituer un front, ou bien, la guerre close, de retirer ses troupes en proclamant qu’elles n’ont pas été battues ?

Conservons donc à notre cavalerie toute sa force, — sa force matérielle et sa force morale ; et ne laissons pas amoindrir cette précieuse réserve de traditions magnifiques auxquelles, aux heures de crise, la France ne fera jamais appel en vain.


Général FERAUD.