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importantes ; au camion, pour amener derrière elle une infanterie rapide, prête à la recueillir ou à prolonger ses opérations.

Mais si le machinisme est une arme puissante, capable de multiplier et d’amplifier ses moyens d’action, il ne saurait remplacer son arme vivante, le cheval ; car il lui manque les qualités caractéristiques qui font sa principale force : mobilité en tous terrains ; fluidité qui permet de filtrer à travers les obstacles et de prendre l’empreinte du dispositif ennemi sur un grand front ; élasticité qui donne la faculté de se déployer juste et vite, de résister sans se compromettre, de se dérober brusquement pour recommencer ailleurs le même jeu. Le feu lui procure enfin une qualité nouvelle, la stabilité de combat, dont elle peut user pour se cramponner au sol, quand il est nécessaire d’arrêter l’ennemi coûte que coûte.

L’avion, en effet, ne remplace pas l’arme à cheval dans l’exploration. Il va reconnaître les arrières, mais il définit mal les fronts. Ne volant que peu d’heures chaque jour, il ne conserve pas le contact. Il voit mal dans la nuit et dans la brume ; il ne voit rien dans les bois. Et il ne fait pas de prisonniers qui seuls, ne serait-ce que par le numéro de leur corps, donnent le renseignement explicite. Laissant à la cavalerie son rôle de reconnaissance de jadis qui consiste à « dessiner » le front de l’ennemi, il va observer ce qui se passe au delà Les deux armes, celle de l’air et celle de la terre, ne s’opposent pas ; elles se superposent, et se complètent.

L’infanterie en camions ne se substitue pas davantage à l’arme à cheval. Elle est, dans ses déplacements, liée à la route, laquelle, en période de crise, est détruite, si l’on avance, « embouteillée, » si l’on recule. Quand elle roule, elle ne peut ni s’éclairer, ni se couvrir ; elle court à la surprise. Lorsqu’elle a débarqué, elle se déploie au hasard et s’engage en aveugle, manquant de tout moyen de prise de contact. Associée à la cavalerie, elle devient pour celle-ci une aide sérieuse, alors que, seule, elle est impuissante.

Quelques partisans exclusifs des forces matérielles se plaisent à penser que le char aura bientôt une vitesse supérieure à celle de la cavalerie. De là à conclure qu’il pourra bientôt remplacer cette arme, il n’y a qu’un pas.

Confondre l’arme à cheval avec une seule de ses propriétés, la vitesse, c’est prendre la partie pour le tout, la trajectoire pour