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dès les premières rencontres, de traverser la crise de 1915, à l’aviation en 1916 de prendre son essor, et en 1918 aux chars d’assaut de démarrer. C’est ainsi que 4 000 officiers de cavalerie et un nombre considérable de sous-officiers servirent dans les autres armes, principalement dans l’infanterie ; et celle-ci, qui sortait des épreuves sanglantes de 1914 et s’y connaissait en hommes, reconnut immédiatement les nôtres pour des siens.

Cette trempe exceptionnelle de ses cadres, leur adaptation rapide aux conditions nouvelles de la guerre moderne, constituent la meilleure preuve de l’excellence des méthodes qui ont présidé à la formation de la cavalerie avant la guerre.

S’est-elle « faite » en quelques années ? Non point. Par les Murat, les Lassalle, les Colbert, les Curely, les de Brack, les Marbot, elle se rattache intimement a la tradition napoléonienne, laquelle plongeait ses racines dans le passé de la vieille France. Hésitante sur la direction à suivre à la fin du second Empire, elle s’est déjà préoccupée cependant d’utiliser le feu et de se soustraire à ses effets. Après la guerre de 1870, elle retrouve enfin toute sa vitalité, sous l’impulsion de chefs prestigieux tels que les du Barail, les Gallifet, les Cointet, les Geslin de Bourgogne, les Tremeau, lesquels, avec une connaissance profonde de l’âme, du cerveau et des nerfs du cavalier (du guerrier franc), savent hausser les cœurs pour le sacrifice, donner l’allant qui dompte les hésitations, assouplir les intelligences, pour les adapter aux formes infiniment et rapidement variables de l’action à cheval.

Comme le chevalier du Moyen-âge qu’on allait « sacrer, » la cavalerie a eu sa veillée d’armes ; elle dura quarante années, de 1814 à 1914. Et Saumur fut le sanctuaire où se trempèrent les énergies, où s’acquirent, avec l’entraînement des corps, le mépris de l’obstacle et l’unité de doctrine indispensable. La guerre a démontré ce que valait cette éducation. Dressée presque uniquement en vue du combat à cheval, la cavalerie a trouvé tous les éléments de son évolution rapide vers le combat par le feu dans sa préparation même : grande initiative individuelle, souplesse des formations, rapidité de manœuvre.

Nous avons vu ce que fit la cavalerie dans la grande guerre. Son rôle a-t-il varié ? Sas missions de jadis lui échappent-elles, comme conséquence du changement de tactique qui met le combat par le feu au premier rang, en place de l’attaque à