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le fondateur de la social-démocratie russe ; c’est de lui que le prolétariat russe a entendu les premiers appels à l’union et à l’organisation. Aussi lui a-t-on fait une réception triomphale, quand il a débarqué avant-hier soir à la gare de Finlande et le Gouvernement provisoire est allé le saluer officiellement.

De même, quand il a pénétré aujourd’hui au Palais de Tauride, les acclamations ont éclaté de toutes parts. Mais lorsqu’il a parlé de la guerre, lorsqu’il a hautement revendiqué le titre de socialiste-patriote et déclaré qu’il n’entend pas plus se soumettre à la tyrannie des Hohenzollern qu’au despotisme des Romanow, un profond silence s’est fait autour de lui et des murmures se sont propagés sur plusieurs bancs.



Lundi, 16 avril.

J’ai prié les trois députés socialistes de venir me voir ce matin et je leur ai signalé le danger des déclarations par trop conciliantes, auxquelles l’un d’eux s’est laissé aller hier devant le Soviet. Cachin me répond :

— Si j’ai parlé ainsi, c’est que, en toute sincérité, je ne pouvais faire autrement. Au lieu de nous recevoir en amis, on nous a fait subir un véritable interrogatoire et sur un tel ton, que j’ai vu le moment où nous allions être obligés de nous retirer.

Devant retourner aujourd’hui au Palais de Tauride, ils me promettent de rattraper, autant que possible, leurs concessions d’hier.

Quand je me rends au ministère des Affaires étrangères, à midi, Milioukow me parle aussitôt de ces déplorables concessions :

— Comment voulez-vous, me dit-il, que je résiste aux prétentions de nos maximalistes, si les socialistes français eux-mêmes abandonnent la partie ?



Mardi, 17 avril.

Le ministre de la Justice, Kérensky, vient déjeuner à l’ambassade, avec Cachin, Moutet et Lafont.

Kérensky n’a accepté mon invitation qu’à la condition de pouvoir se retirer aussitôt le repas fini ; car il doit se rendre au Soviet, à deux heures. L’important est qu’il prenne contact avec mes trois députés.