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magnificence accoutumée, l’office solennel de la Résurrection. En l’absence du métropolite Pitirim, déjà cloîtré dans son couvent sibérien, la messe pontificale a été dite à la Laura de Saint-Alexandre-Newsky par Mgr Tikhon, archevêque d’Iaroslawl, pendant que les deux vicaires épiscopaux, Mgr Ghennadius et Mgr Benjamin, officiaient à Saint-Isaac et à Notre-Dame de Kazan. La foule qui se pressait dans ces grandes cathédrales n’était pas moindre que les années antérieures.

Je m’étais rendu à Notre-Dame de Kazan. C’était le même spectacle qu’au temps du tsarisme, la même somptuosité majestueuse, le même déploiement de pompe liturgique. Mais je n’avais encore jamais observé une expression si intense de la piété russe. Autour de moi, la plupart des visages étaient saisissants de ferveur implorante ou de résignation accablée. A l’instant suprême de l’office, quand le clergé sortit de l’iconostase dans un flamboiement d’or et que le chant d’allégresse retentit : Gloire à la Trinité sainte ! Gloire éternelle ! Notre sauveur le Christ est ressuscité ! alors une houle d’émotion souleva les fidèles. Et, tandis qu’ils s’embrassaient selon l’usage, en répétant : Christ est ressuscité ! je vis que beaucoup d’entre eux sanglotaient.

En revanche, on me rapporte que, dans les quartiers ouvriers de Kolomna, de la Galernaïa, de Viborg, plusieurs églises étaient presque désertes.


Les députés socialistes français et leurs camarades anglais ont été reçus, cet après-midi, par le Soviet.

L’accueil a été froid, si froid même, que Cachin a perdu contenance et que, pour rendre la conversation possible, il a cru devoir « jeter du lest. » Or, ce « lest » n’était rien moins que l’Alsace-Lorraine, dont la restitution à la France a été, non pas affirmée comme un droit, mais présentée comme une simple éventualité soumise à toute sorte de conditions, telles qu’un plébiscite. Si c’est là tout le concours que nos députés viennent m’apporter, ils eussent mieux fait de s’épargner le voyage !

A cette même séance du Soviet, Plékhanow, arrivé de France en même temps que les délégués français et anglais, a reparu ; pour la première fois après quarante années d’exil, devant un public russe.

Plékhanow est une noble figure du parti révolutionnaire,