Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/756

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Évidemment cela ne contribue pas à mettre en valeur le paysage si vanté de Palerme. On le vante d’ailleurs avec raison. Ce golfe est « construit », lui aussi, comme les plus magnifiques cités italiennes. Les beaux groupes de montagnes qui l’entourent semblent bâties et sculptées de main d’homme. L’envergure de la plage, la courbe de la célèbre Conque d’or, tout cela est un enchantement. Oui, cela est très beau. Mais je suis bien forcé d’en convenir avec moi-même : si p n’avais pas tant admiré Naples et son Pausilippe, si je n’aimais pas tant Marseille, sa corniche et ses îles, si je n’avais pas vécu tant de soirs et de matins splendides devant la Baie îles Anges, et si enfin je n’arrivais point de Carthage, cette ville et cette mer de Sicile me raviraient beaucoup plus. Même les jardins de Palerme, pleins de palmiers et d’essences rares, ces jardins fameux ne me procurent qu’un médiocre étonnement. Nous avons mieux, beaucoup mieux, en Riviera, et même en Afrique. Pour être équitable et goûter pleinement les choses, il faudrait pouvoir sérier ses plaisirs et graduer ses émotions.

Je me console promptement de cette légère déconvenue, en me disant que je ne suis point venu ici pour m’extasier devant des cèdres ou des orangers, devant des palais et des églises. Je suis venu, ne l’oublions (las, pour donner la chasse à l’antique, pour traquer le grec et le romain. C’est Ségeste, Sélimonte, Agrigente, Syracuse, Taormine qui doivent m’intéresser… Et pourtant, comment passer à Palerme sans donner au moins un coup d’œil à tant de monuments célèbres qu’elle renferme, — à sa cathédrale, à sa Chapelle Palatine, à sa Martorana, à son musée, — sans monter à Monreale pour voir son cloître et son église ?… Ainsi je me décide à faire consciencieusement la tournée du touriste, — et, encore une fois, je confesse un enthousiasme plutôt languissant.

Je n’arrive guère à me passionner que pour l’intérieur si décrié de la cathédrale, mais qui est d’une belle ordonnance classique à la Vignole. On dirait que l’architecte, scandalisé et quelque peu ahuri par le tohu-bohu des styles, qui se disputent l’extérieur de l’édifice, — mauresque, byzantin, normand, gothique, renaissance, — a voulu reposer ses regards et ceux du visiteur sur une composition sage, mesurée et une. Comme disait quelqu’un qui, au sortir d’une exposition où il avait été affolé par des architectures de carnaval, se rassérénait en contemplant