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DEVANT LA MER DE SICILE


... Que m’importe d’avoir la terre de Pélops, que m’importent les trésors de Crésus, ou de courir plus vite que les vents : sous cette roche, je te tiendrai entre mes bras, et, devant nos troupeaux mêlés, je chanterai, en regardant la mer de Sicile.
THÉOCRITE.


12 mars 1922.

Ce soir, au théâtre antique de Carthage à l’occasion du centenaire de Flaubert, en présence du Résident général de France et de tout ce que la Tunisie compte de personnalités distinguées ou notoires, j’ai prononcé un discours, dont voici le début et, pour moi, le passage essentiel :

« Il y a dix-huit siècles, un Africain, un fils de cette terre, se levait à cette même place où nous sommes, dans ce théâtre de Carthage, et, là en un beau latin sonore et rythmé, il disait à ses compatriotes assemblés : « Quand je vous vois réunis en si grand nombre pour m’entendre, je dois plutôt féliciter Carthage de posséder tant d’amis des lettres que demander grâce pour moi, pour un philosophe qui se risque à parler en public. » Et, après avoir donné à tous et à chacun sa part de louange, après avoir exalté la grandeur de la Métropole africaine, l’éloquence et les vertus du Proconsul, la culture et l’esprit de ses auditeurs, la magnificence de l’édifice où il parle, — les beaux marbres du pavement, les consoles du proscenium, la colonnade de la scène, les dorures des lambris, l’ampleur de l’hémicycle (et vous voyez par ce qui en reste si sa louange était justifiée), — après avoir rappelé enfin qu’on venait ici bien plutôt pour voir des mimes, des comédiens, des tragédiens, des histrions, des prestidigitateurs