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allégerait les charges de l’Allemagne sans diminuer la part qui est strictement indispensable à la France pour équilibrer ses finances et faire face à ses dépenses de réparations et de pensions, sera examinée avec la plus grandi ; faveur par le Gouvernement français. La clef du problème est aux États-Unis.

Le Gouvernement allemand a écrit, le 9 mai, qu’il s’offrait à « éclaircir la situation de fait actuelle par un échange de vues complet. » Les négociations ont commencé à Paris ; rarement, depuis 1918, les circonstances ont été plus favorables pour aboutir à une solution qui ne soit pas un leurre à notre égard. La fin de la Conférence de Gênes a produit dans tous les pays une détente, un sentiment de sécurité, une volonté plus ferme et plus consciente d’entente et d’apaisement ; on va pouvoir enfin travailler avec méthode ; un souffle nouveaux purifié l’atmosphère. Il était difficile d’arriver dans de meilleures conditions à l’échéance difficile du 31 mai. La France, qui se sent forte, ne sera intransigeante que sur le principe de l’exécution intégrale des réparations qui lui sont dues, qui ont été déjà si souvent réduites et qui ne peuvent plus l’être. Sur les modalités du paiement, l’accord deviendra facile dès que l’Allemagne manifestera par des actes sa volonté de payer. Il faut que les Allemands payent plus d’impôts et que leur travail profite plus à ceux qui ont été et qui restent leurs victimes. Personne en France ne souhaite d’être obligé de recourir aux sanctions prévues par le Traité en cas de manquement volontaire de l’Allemagne à ses engagements, mais il n’est personne non plus qui n’y soit fermement résolu. Ces sanctions, nous les prendrions après en avoir conféré avec nos alliés et, s’ils y consentent, de concert avec eux. Sinon, M. Poincaré a établi fortement, dans sa lettre à M. Klotz (20 mai), le droit strict du Gouvernement français à les prendre même seul, et on aime à croire qu’il n’hésiterait pas à le faire. Tout fait espérer d’ailleurs que nous ne serons pas obligés d’en venir à de telles extrémités. Nous sommes au moment critique où il s’agit d’entrer dans la bonne route, celle qui conduit à la restauration progressive de la prospérité économique et de la stabilité financière et nous dirions volontiers, si le mot n’avait pas jadis trop servi, au rétablissement de l’ordre moral par la réparation ; c’est la seule voie par où l’Europe puisse s’acheminer vers la paix des cœurs.


RENÉ PINON.


Le Directeur-Gérant :

RENÉ DOUMIC.