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Les choses, qui se passent dans l’un des trois premiers siècles du christianisme, sont les suivantes : « Le bon Hermas, vigneron de Corinthe, est resté païen, sa femme Kallista et sa flUe Daphné sont chrétiennes, et c’est bien en effet par les femmes que la foi nouvelle devait le plus souvent pénétrer dans les foyers. Daphné est fiancée à Hippias, qui n’est point chrétien. Kallista, malade, fait vœu, si Dieu la guérit, de lui consacrer la virginité de sa fille, non par égoïsme, mais parce que la vie de la vieille femme est encore utile aux siens, aux pauvres et aux fidèles... » — Ici nous demandons la parole. « Non par égoïsme » est bientôt dit et paraît contestable. Le vœu maternel ne procède pas d’un autre sentiment. D’abord il est aussi peu chrétien que possible ; il est même en contradiction radicale, monstrueuse, avec le christianisme bien entendu. Sans compter que le motif allégué ne vaut rien. Le train apparent de la maison, à l’Opéra-Comique du moins, (servantes nombreuses, magnifiques vendanges), dénote une fortune que le décès de la vieille égoïste ne compromettrait pas. Continuons de lire Lemaitre : « Daphné se soumet, douloureusement. Mais Hippias étant revenu, elle ne peut plus résister à son amour : ils fuiront tous deux, ou plutôt ils iront se jeter aux pieds de Kallista et la fléchiront... Kallista survient et chasse le jeune homme avec des imprécations ; mais Daphné le rejoint, la nuit, au tombeau des aïeux et meurt dans ses bras, car elle a pris du poison et l’évêque Théognis vient trop tard la délier du vœu de sa mère. »

Lemaitre, parlant de l’avènement du christianisme, qui forme le nœud du drame, avait écrit d’abord : « J’ai dit ailleurs pourquoi certains esprits regardaient cet avènement comme une immense calamité, et qu’ils me semblaient bien sûrs de leur fait, et qu’une âme riche et complètement humaine devait être païenne et chrétienne à la fois. Je trouve cette âme dans ce beau poème des Noces Corinthiennes qui est un chef-d’œuvre trop peu connu. J’y trouve une vive intelligence de l’histoire, une sympathie abondante, une forme digne d’André Chénier... »

A nous, l’âme ou plutôt l’esprit du poème de M. Anatole France paraît simple et non pas double ; et c’est l’esprit, — l’esprit matin, — du plus pur anti-christianisme. Mais notre affaire n’est pas de raisonner là-dessus.

Ce poème n’était peut-être pas non plus l’affaire de ce musicien. « Non licet omnibus... » La partition de M. Busser représente ou constitue assurément ce qu’on appelle « un effort. » A dire vrai, surtout