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a le loisir de penser. Assis devant la porte, seul au monde, il regarde, il scrute à l’avance le fond de la vie qu’il lui reste à passer. Alors, disent ses voisins, il boit, il se grise un peu, non jusqu’à chanceler, car l’ivresse est ici une honte, mais assez pour perdre la notion exacte des choses, pour oublier un moment ce qu’il est. Et, quand le crépuscule tombe et que le silence règne, on l’entend chantonner doucement. » Pauvre et charmant bonhomme !... M. de Pesquidoux veut qu’on ajoute au salaire, qui rémunère strictement le labeur de la journée, un denier de supplément, qui assure, non l’opulence, au moins la tranquillité d’un pauvre et charmant bonhomme.

Les chapitres de M. de Pesquidoux ne sont pas rangés comme ceux d’un traité en règle ; et il ne donne qu’un recueil d’études ou d’essais. Je n’en cite qu’un petit nombre et ne puis résumer ces volumes, Sur la glèbe ou Chez nous. Il esquisse un paysage, il raconte une anecdote, il donne un conseil, il enseigne l’art de chasser la bécasse ou de pécher la lamproie, il enseigne l’art de préparer les bonnes conserves de lamproie, il est gourmand, il est gai, il est sérieux, il a une bonhomie ravissante et le goût d’une poésie simple et grande. -

Les livres de M. Charles de Bordeu, qui voisinent très bien avec ceux de M. de Pesquidoux, sont pourtant d’une autre sorte. M. de Bordeu est plus homme de lettres que M. de Pesquidoux : je ne lui en fais point une injure. Il a publié plusieurs romans avant de donner la Terre de Béarn, son meilleur ouvrage, ses véritables Géorgiques. Du reste, ses romans se développent tous dans le pays de Béarn, dont il décrit les sites et les coutumes avec autant d’amitié que de talent. Et, au cours de ses romans, il ne manquait nulle occasion de vanter la vie rurale. Lisez, au début de Jean Pec, son premier roman, ce passage : « Il y a, dans l’air des campagnes, dans la grandeur de la vie rustique, dans ses paisibles spectacles et son activité régulière, une pacifiante vertu... » Le roman de Maïa, qui réunit légende et réalité, commence au milieu d’une cour de ferme que l’auteur a vue et qu’il a su peindre de manière à vous la rendre un lieu privilégié : une cour de ferme où l’on ne distingue pas seigneurs et paysans, la simplicité de l’existence et la bonté, la juste fierté aussi, ayant rapproché de longue date et lié entre eux ces hommes divers. Le héros de la Plus humble vie est fils d’un porcher de village et un gamin qui a l’enfance de tous les autres : « Ainsi commença son existence. Elle devait durer à peu près semblable jusqu’à la fin, sans grandes joies ni grandes souffrances, sans aventures, diversifiée