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DON MIGUEL DE UNAMUNO

La grande et singulière figure de don Miguel de Unamuno, fortement espagnole, déconcerte beaucoup d’Espagnols ; largement humaine, elle déconcerte les Français eux-mêmes. Ce n’est pas simplement parce qu’elle est très espagnole qu’elle déconcerte les étrangers, ni parce qu’elle est très européenne qu’elle déconcerte les Espagnole. Non ! Dans son propre pays, Miguel de Unamuno étonne parce qu’il est fidèle à des traditions que beaucoup d’autres abandonnent ; et, dans la société intellectuelle internationale, il étonne parce qu’il n’a jamais sacrifié aux modes du cosmopolitisme.

Nous partirons, pour le trouver, et pour essayer de le comprendre, du peu que savent de lui les Français cultivés, ceux du moins des Français cultivés qui savent quelque chose de lui.

De son œuvre, on sait qu’elle se compose d’essais, de romans, de poésies et de livres que l’on aurait peine à classer dans une collection des « genres littéraires ; » un seul de ses écrits a été jusqu’ici traduit en français : Le sentiment tragique de la vie chez les individus et chez les peuples.

De sa personne et de sa vie, on sait qu’il est Basque, mais que, depuis longtemps, il habite Salamanque ; qu’il est professeur de grec, qu’il a été recteur de la glorieuse Université de Salamanque ; qu’il a été dépossédé du rectorat ; qu’il a pris avec passion, avec les militants des gauches, le parti de la France en guerre ; qu’il a été poursuivi devant les tribunaux pour des articles parus dans un journal de Valence et où le zèle du ministère public relevait par trois fois le crime de lèse-majesté ; qu’il a été condamné pour deux de ces articles à seize ans et deux jours de prison et à mille pesetas d’amende ; qu’il a refusé d’être compris, comme on le lui offrait, dans une amnistie, et que d’ailleurs il n’a pas été mis en prison ; qu’il a continué