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nouveau, encore moins inouï, comme d’aucuns, ici, paraissaient le croire. Il s’en faut que, depuis 140 ans que nous les avons aidés à secouer le joug de la Grande-Bretagne, les Américains aient toujours éprouvé à notre égard les sentiments si amicaux, si généreux qu’ils nous ont montrés en 1917 et dont nous leur gardons une gratitude qui ne s’effacera pas.

Vingt ans ne s’étaient pas écoulés après l’arrivée de La Fayette à Boston que des hostilités éclataient entre la République française et celle des États-Unis. Il ne serait pas sans intérêt de faire l’historique de cette « quasi guerre, » comme on l’appelait alors, car, s’il y eut rupture des relations diplomatiques, il n’y eut pas de déclaration officielle d’hostilités, ce qui n’empêcha pas quelques rencontres sanglantes de corsaires et même de frégates. Ayons d’ailleurs le courage de reconnaître que, dans ce grave différend, — pourtant bientôt aplani, — nous n’eûmes pas toujours le beau rôle. C’était en 1797, sous le Directoire, régime dont on ne pensera jamais assez de mal, du point de vue de la probité dans les tractations, de quelque ordre qu’elles soient. N’en disons pas davantage. Observons seulement que la querelle, — il s’agissait surtout de la validité d’un certain nombre de prises et de l’observation de règles du droit des gens qui, à cette époque, étaient assez mal définies et, en tout cas, dont la fixation se trouvait livrée au hasard, faute d’un organisme comme celui de la Haye, — que la querelle, dis-je, faillit reprendre en 1811 et que Napoléon, uniquement préoccupé alors des préparatifs de la guerre de Russie, intervint personnellement pour l’arranger.

En 1834, l’affaire renaît encore. C’est que nous ne nous sommes pas complètement acquittés des dettes, — indemnités contractées en 1797 vis-à-vis d’armateurs et marins américains. Cette fois-là les torts semblent partagés. En tout cas, le président Jackson nous traite avec une fâcheuse brutalité. L’émotion est assez vive, en France, pour que le Gouvernement consulte les chefs de la marine sur les conséquences que pourrait avoir une rupture. Les amiraux, — Jurien de la Gravière, le vainqueur du beau combat des Sables d’Olonne[1], le père de

  1. Assez ignoré comme beaucoup d’avantages partiels que nous eûmes, de 1793 à 1815, contre la marine anglaise. Cette fois trois petites frégates, embossées sur la rade des Sables d’Olonne, avaient brillamment repoussé l’attaque de division Stopfoud, composée de 3 vaisseaux.