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dirigeants anglais reconnaissaient que, par le jeu savamment combiné de l’avilissement du mark et du développement de l’industrie germanique, si « l’Empire » s’appauvrissait — ce qui lui permettait de se dérober à ses obligations vis-à-vis des Alliés — les Allemands, producteurs à bas prix et actifs exportateurs, s’enrichissaient... Malheureusement, plus « handicapés » encore qu’avant la guerre par tous les objets confectionnés auxquels on pouvait imposer la marque « made in Germany, » les Anglais, eux. État et particuliers, s’appauvrissaient comme le « Reich » allemand. La grande crise du chômage commençait.

En réalité, disons-le, la concurrence germanique, au moins sur le marché anglais même, n’est pas la seule cause de ce chômage. Les statistiques d’importations allemandes le prouvent, quand on les rapproche de celles de 1913. Mais les ouvriers anglais travaillent moins que les ouvriers allemands, tout en exigeant des salaires très élevés, tandis que les patrons, chefs d’industrie et « capitalistes, » sont écrasés d’impôts.

Quoi qu’il en soit, les préoccupations de M. Lloyd George, plus actif pour guérir qu’avisé pour prévenir, s’orientaient dès lors, d’un côté vers l’ouverture de nouveaux marchés, et c’est ce qu’on appelle, à Gênes, la « restauration de la Russie, » — car il est toujours bon, pour l’effet moral, que le plus légitime égoïsme national se recouvre d’un séduisant vernis d’altruisme, — de l’autre vers le relèvement du change allemand, d’où devaient découler l’assainissement des finances de l’Empire et surtout le relèvement des prix de revient des produits dont ses industriels inondaient les pays étrangers et la Grande-Bretagne elle-même.

Mais comment arriver à cet assainissement ? Qu’il fallût sacrifier « les réparations, » nul doute ; et il était aisé de se résigner à un mal qui, après tout, n’atteignait les intérêts anglais qu’assez médiocrement. On vit alors se succéder en quelque dix-huit mois les divers « accords » que l’entourage politico-financier de M. Lloyd George, entourage tout acquis à l’intérêt allemand [1], réussissait à imposer à nos faibles dirigeants

  1. « Un fait étrange domine la situation de la Grande-Bretagne. Depuis quelques années, un groupe de financiers dont les familles sont généralement d’origine judéo-allemande, s’est emparé du pouvoir politique et exerce sur M. Lloyd George une influence prédominante. » M. André Chéradame : la Mystification des peuples alliés. Pourquoi, comment, par qui ? » (1922). On trouve dans ce remarquable ouvrage du clairvoyant publiciste des précisions d’un vif intérêt sur ce sujet.