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AU PAYS BRETON

VII [1]
LA RIVIÈRE APRÈS LA MER

11 octobre. — Encore une fois, les bois de la rivière...

Douceur, toujours, de ces campagnes sylvestres, pour qui revient du dehors, les yeux brûlés de vent, de sel et de soleil. La mer est trop vaste, mouvante, inhumaine. Comme ces futaies nous enveloppent de leur paix et de leur tiédeur ! Leurs cimes liées, comme celles de tous les bois bretons, peuvent ondoyer au vent. Ici, en ce demi-jour vert, un peu doré, c’est comme dans la profondeur des eaux : rien ne pénètre jamais de cette agitation. Rien que de longs murmures endormeurs, qui s’enflent ou vont tombant.

Délices des yeux en ce vert, profond demi-jour. Et ces molles, pénétrantes senteurs de la fougère et de la mousse...

L’homme est revenu à son élément, à la terre, qui est douce, accueillante, et qui par le bas. C’est un enfant qui se blottit contre sa mère. Alentour, ces tranquilles végétaux sont aussi des vivants qu’elle porte. Rien d’éternel. Les abîmes sont cachés. On se recueille dans ce paysage recueilli. Jamais je n’ai goûté si profondément ce charme d’intimité qu’au lendemain des jours où je suis allé me disperser par les solitudes de la mer.

C’est en bateau, toujours, que je gagne les solitudes de la

  1. Voyez la Revue des 1er juillet, 1er et 15 août, 15 novembre et 1er décembre 1921, 15 avril 1922.