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la montagne ou ne dit pas : « La tempête est belle à voir du rivage ! »

À côté de M. Millerand, le portrait de M. Boutroux, au pastel, par le même artiste, offre les mêmes solides qualités. Quoi qu’il fasse, M. Marcel Baschet donne l’impression de la maîtrise dans des limites un peu étroites, mais qui suffisent à son objet.

On ne saurait en dire autant de ses plus illustres confrères. Car si l’on déplore l’absence de quelques maîtres à la Nationale, ici, c’est la présence de quelques autres qu’on se prend à regretter.

On ne lit pas assez Racan chez les peintres :


Tircis, il faut penser à faire la retraite…


Il y a beaucoup de Tircis aux Champs-Elysées, et même à l’Institut, et nul Racan ne se trouve pour les avertir qu’il est un moment où une œuvre même glorieuse, surtout glorieuse, doit se clore. Je dis : un moment, et non : un âge. L’âge ne fait rien à l’affaire. Il y a, ici, un peintre, leur aîné à tous, dont la course des jours « est plus qu’à demi-faite, » — qui a exposé dans les mêmes salons qu’Eugène Delacroix, Louis Boulanger, Horace Vernet, non loin des dernières œuvres de Rude, et quand M. Ingres était dans toute sa gloire. Il a vu partir, un à un, tous ses contemporains, d’abord ses maîtres, puis ses camarades, puis beaucoup de ses élèves ; se succéder plusieurs générations d’artistes, venir poser dans son atelier nombre de ligures vivantes entrées aujourd’hui dans l’Histoire et reproduites en des statues éparses sur tout le territoire : il travaille encore. C’est la vieillesse de Titien, de Mignard, de de Troy, d’Hokousaï. À la sculpture, vous trouverez sa statue par M. Segoffin, qui le représente assis, le pinceau à la main, actif et vif comme autrefois. C’est M. Bonnat. Il expose à ce Salon quatre portraits : il apporte inlassablement son témoignage sur ses contemporains, et ce témoignage est aussi précis, véridique, complet, presque aussi brutal que jamais. L’œil n’a pas faibli ; à peine, si la main est moins rude et incisive. Dans le Portrait de M. Widor, par exemple, il n’est pas une des caractéristiques de son modèle qu’il n’ait rendue, y compris les mains qu’il faut toujours faire ressemblantes chez un artiste, parce qu’elles sont les messagères de sa pensée dans son œuvre.

Les autres portraits dignes d’attention sont rares. Quand on