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la longue contemplation qui le fait bien pénétrer, en guettant le retour du même phénomène, et les essais renouvelés qui amènent à la parfaite traduction, — sans à peu près. Nos artistes s’en sont montrés toujours capables, mais les Anglais ont cela dans le sang. On sait qu’ils ont aussi l’originalité. Les deux imaginations les plus curieuses de ce Salon sont l’Amour et le vent d’Ouest de M. Reginald Frampton et The dwarf, le Nain, de M. Oswald Moser, d’après un conte de l’artiste lui-même. Ce dernier tableau, sorte de mosaïque d’un éclat sombre, conçu comme un vitrail, est d’une extrême richesse coloriste. Celui de M. Frampton, au contraire, de teintes plates, claires, souvent argentées, est d’une fantaisie compliquée, fine, charmante, où se retrouve le sens bien perdu aujourd’hui du Préraphaélisme.

Il n’y a pas à ce Salon de galerie des batailles, parce qu’il n’y a pas de batailles ; pour tout souvenir de la guerre, on ne trouve que la Relève du 48e territorial au pied de la côte des Eparges, par M. Pierre, vision simple et émouvante de gens s’en allant d’un pas tranquille, dans la nuit claire, sous les menaces de la mort, remplir leur tâche salutaire, comme ils iraient à la moisson. Mais il y a de nombreux maréchaux et généraux. On a bien fait de ne pas les réunir en une salle spéciale : elle n’eût guère fait honneur à l’art de notre pays. La France, qui a trouvé les chefs qu’il fallait au danger, ne trouve pas les peintres qu’il faudrait à la victoire. La Providence donne rarement à la fois Turenne et Philippe de Champagne. Quand Henri Regnault peint, qui passe devant lui ? Le maréchal Prim. Quand Rembrandt peint, le capitaine Cocq, et assurément, la statue de Verrocchio est la seule victoire qu’ait jamais remportée le Colleone. Au contraire, lorsque paraissent des chefs véritables, acteurs dans les plus grandes péripéties de guerre que le monde ait connues, l’artiste défaut qui les figurerait dignement. Aucun de nos maréchaux n’a trouvé ni le Rubens ou le Jordaens qu’il eût fallu pour l’un d’eux, ni le Clouet pour l’autre, ni l’Holbein ou le Philippe de Champagne pour le troisième, ni pour un quatrième, l’aptitude à fixer ce mélange de vigueur et de sensibilité, d’élégance et de décision où sut maintes fois triompher Vélasquez.

Et parmi les autres physionomies de grands chefs, que la foule guette et nomme au passage, qui nous rendra la bienfaisante