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vous, » surtout : « ni moi sans vous, » tu sauras, toi, à qui je songerai. Tu sauras pour quoi et pour qui j’ai juré de vivre solitaire.

El toi qui la verras encore, ma petite Anne-Marie, toi qu’elle estime, qu’elle sait mon ami le plus intime, tu me parleras quelquefois d’elle : tu me diras les occasions où elle t’aura donné pour moi un regard éloquent dans un visage sans sourire. Mais un jour viendra peut-être où elle ne résistera plus à l’entraînante tyrannie des obligations mondaines, même vis-à-vis de toi. Elle oubliera qui tu es. Elle n’éprouvera plus que le plaisir de ta visite mêlée aux autres visites. Alors tu cesseras de me dire que tu l’as rencontrée, et je ne te questionnerai plus.

A demain, n’est-ce pas, dès que tu auras reçu ce mot.


RENAUD D.


II. — 1890


Georges Tréval à Edmond Larmechin.


Paris, février 1890.

Vous n’êtes pas un inconnu pour moi, monsieur, et je vous recevrai bien volontiers. Ces messieurs ont déjà distingué votre jeune mérite. Et l’un d’eux, dans une réunion récente, — pourquoi ne pas le nommer ? c’est M. Philippe Pageyran, — affirmait que vous honoreriez avant longtemps la science philologique. Au surplus, je n’étais pas sans avoir remarqué dans la Revue médiévale et dans la Romania une signature nouvelle au bas de quelques notes intéressantes.

Le fait même de vous adresser à moi, dont vous savez que les théories sont en désaccord avec celles de votre maître M. Renaud Dangennes, prouve assez la liberté et la qualité de votre esprit. Vous voulez pratiquer sur les hommes cette méthode critique, indispensable à la bonne conduite de nos études, que vous pratiquez déjà sur les textes ou sur les monuments de diverses natures. La modestie devrait m’interdire de vous décerner un éloge dont je suis l’occasion. Mais la vérité m’oblige à reconnaître, dans la rareté de votre démarche, un trait qui signale votre mérite et gage votre avenir. Car il n’est