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de les quitter, est très touchante. Et, le mouvement hélicin de la draperie, extrêmement habile, quoique fort naturel, rend bien l’action physique de l’ascension. La Résurrection de la fille de Jaïre, de M. Maurice Denis, est également, même si l’on ne tient pas compte de ses qualités supérieures de coloriste, une chose très touchante. En dépit de certains détails inintelligibles : l’arc-en-ciel à l’horizon, le bouquet d’hortensias sur la morte, elle se comprend parfaitement, selon la logique du cœur. Si l’on pouvait juger à soi tout seul d’un art dont la première condition est qu’il soit intelligible à tous, voilà deux œuvres qu’on aimerait à voir reproduites dans nos églises et notre imagerie pieuse.

Je n’en dirais pas autant de toutes les manifestations récentes de l’art chrétien. Avec les meilleures intentions du monde, l’orientation qu’on lui donne est entièrement fausse et ne peut que le perdre. Cette orientation, tout le monde la connaît : c’est une affectation de naïveté, de gaucherie, de raideur et de dénuement. Et comme tous les systèmes stériles, en Art, comme l’Académisme même, cela vient non d’un enthousiasme pour la Nature, mais d’une réaction contre le passé. « C’est par répulsion pour l’art académique, c’est par horreur du mensonge que nous nous tournons avec tant de force vers ce qui est primitif, naïf, simple, enfantin, vrai, » dit M. Maurice Denis, qui a fort bien parlé de l’Art religieux, au total, mais qui confond, ici, deux choses fort différentes. Ce qui est enfantin n’est pas vrai et ne parait pas tel aux simples. L’art académique est faux, parce qu’il prétend dépasser la vérité ; mais l’art enfantin l’est aussi, pour ne l’avoir pas encore atteinte. Et, l’art le plus faux du monde, est précisément ce pseudo-primitif, ce naïf par système qui détruit les proportions, dénature les perspectives, aplatit les modelés, ankylose les membres et outre les expressions, sous prétexte de simplicité. C’est au contraire le comble de l’artifice. Aujourd’hui, l’artiste connaît fort bien les lois de la proportion, de la perspective, du modelé. Quand il y manque, c’est de propos délibéré. Tandis que, si le primitif y manquait, ce n’était pas faute d’y tendre, et, s’il s’en apercevait, il était désolé !

Nos faux naïfs font de tout point le contraire des trécentistes et des quattrocentistes. Ils cherchent à simplifier quand les Primitifs cherchaient à détailler ; ils cherchent la synthèse.