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quelqu’un qui fait mal : voilà toute la différence. Pour ne ressembler à personne, il faudrait être soi-même et ce n’est pas du tout en le cherchant qu’on le trouve : c’est en cherchant tout autre chose : le développement de toutes ses facultés et la science la plus complète de son métier.

L’artiste original ne fait aucun effort pour voir à sa façon la nature : il ne saurait la voir tout à fait comme les autres, ni pour trouver quelque chose à dire : il est plein et comme étouffe de tout ce qu’il voudrait annoncer et enseigner. Il doit, il est vrai, s’efforcer pour trouver ses moyens d’expression, mais là encore son instinct est plus sûr que toutes les théories, et son instinct le pousse à les essayer tous, à n’en négliger aucun, à déployer toute sa science acquise et celle acquise par les autres, — de laquelle son originalité, fortifiée par tout le reste, émergera. Oh ! la pauvre originalité que celle qui ne peut supporter l’aliment des forts, l’imitation des Maîtres et qui s’étiole au lieu de s’en nourrir ! Tant pis pour celle-là elle ne méritait pas de survivre ! Les Maîtres ont tous été originaux en croyant imiter. En ne le croyant pas, nos « futuristes » ne parviennent pas même au degré de réalisation où l’on commence à voir si une pensée est originale.

D’autres, plus modestement, cherchent des aspects nouveaux, non dans une régression artificielle, mais dans une humanité et une nature peu connues, des races et des plantes inexplorées jusqu’ici par les peintres, surtout vers l’Equateur. Voici venir le Salon « pan-noir, » Mlle Germaine Casse nous montre la coupe de la canne à sucre et des négresses se baignant dans le bassin de la Madeleine à la Guadeloupe, M. Baldoui des effets de nuit à la Martinique et les éclatantes fleurs rouge du Flamboyant, au soleil, dans le même pays. Les choses d’Extrême-Orient abondent. Un grand tableau de M, Kojima nous conduit Vers l’automne à Nanking ; d’autres de M. Galland nous montrent une Pagode au Tonkin et une Rue à Hanoï et une bonne gouache de M. Laurent Gsell, la Danse du serpent à la manière persane. Jusqu’ici, l’originalité et l’intérêt de ces visions sont surtout d’ordre géographique ; l’art y est pour peu de chose. Mais peut-être, que si de bons artistes s’appliquaient à étudier l’académie noire comme ils font depuis des siècles le type grec, ils en dégageraient de nouvelles beautés. Et, de même, les mouvements et inflexions très particulières des races jaunes. L’exotisme tropical