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Ne nous en plaignons pas : ils apportent des ferveurs de néophyte de plus en plus rares chez nos nationaux. Dans leurs lointains pays, le Salon n’a pas perdu tout prestige. Et puis, ils font de la bonne peinture. L’Ecole française peut être fière de sa légion étrangère, car la plupart ont étudié chez nous : il y aura de belles controverses chez les conservateurs à venir des musées de l’Europe, quand il s’agira de les classer... Où mettre cet Américain, né en Russie et élève de MM. Lucien Simon, René Ménard, Albert Besnard et Aman Jean, dont il expose d’excellents portraits au pastel ? A quel pays rattacher cet Anglais, né à Milan, habitant Bruxelles et qui fait manifestement de la peinture française ? Les bonnes méthodes et le classement rationnel, en honneur aujourd’hui dans les musées, seront d’un bien faible secours pour résoudre ces problèmes.

Pour nous, présentement, ils ne nous effraient pas. Nous faisons plus que d’accueillir les étrangers, nous les appelons. L’an dernier, les Polonais sont venus faire officiellement une exposition d’œuvres contemporaines au Salon de la Société nationale. Cette année, ce sont les Japonais. Ils colonisent la région du Grand-Palais qui ouvre ses fenêtres sur les Champs Elysées. Il y ont apporté les œuvres actuelles de leurs plus fameux artistes vivants : kakémonos, peintures à l’huile, sculpture, céramique ; ils ont mis d’un côté celles que l’art occidental a manifestement inspirées, et de l’autre, celles qui continuent, en technique et en esprit, l’art japonais d’autrefois. Et, entre les deux, ils ont rappelé cet art ancien par quelques admirables exemples puisés dans le trésor impérial, dans les musées, dans les collections de vieilles familles féodales : kakémonos, laques, brocarts, porcelaines. C’est à eux comme aux autres étrangers qu’on doit les aspects nouveaux des Salons de 1922.


I. — À LA SOCIÉTÉ NATIONALE

Il y a toujours deux Salons, mais personne ne sait plus pourquoi. Les raisons qui firent, il y a quelque trente ans, se séparer en deux camps les membres du Salon jusque-là unique, sont aussi obscures aux nouvelles générations que les disputes des Guelfes et des Gibelins, ou les schismes d’Orient. De raisons esthétiques, à proprement parler, il n’y en a jamais eu. Le Salon nouveau dit de la Société nationale, en réalité beaucoup