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Dieu vous bénisse et que Saint-Georges, le grand martyr, vous mène à la victoire !


Revenant d’une visite au canal de l’Amirauté, je passe dans la rue Glinka, où demeure le grand-duc Cyrille-Wladimirowitch, et je vois flotter sur son palais... un drapeau rouge !



Vendredi, 23 mars.

Buchanan annonce ce matin à Milioukow que le Roi George, sur l’avis conforme de ses ministres, offre à l’Empereur et à l’Impératrice l’hospitalité du territoire britannique ; il refuse toutefois d’assurer leur garde ; il se borne à exprimer sa confiance de les voir rester en Angleterre jusqu’à la fin de la guerre. Milioukow se montre fort sensible à cette déclaration ; mais il ajoute tristement : — Hélas ! je crains que ce ne soit trop tard !

En effet, de jour en jour, je dirais presque : d’heure en heure, je vois s’affirmer la tyrannie du Soviet, le despotisme des partis extrêmes, la prépotence des utopistes et des anarchistes.

Aussi, comme les derniers télégrammes de presse me témoignent qu’on se fait à Paris d’étranges illusions sur la Révolution russe, je télégraphie à Ribot :

Malgré la grandeur des faits accomplis depuis une dizaine de jours, les événements auxquels nous assistons ne sont, selon moi, qu’un prélude. Les forces qui sont appelées à jouer un rôle décisif dans le résultat final de la Révolution (par exemple : les masses rurales, les prêtres, les Juifs, les allogènes, la pénurie du Trésor, la disette économique, etc.), ne sont pas même entrées en action. Il est donc impossible d’établir dès maintenant un pronostic logique et positif sur l’avenir de la Russie. La preuve en est dans les prédictions radicalement contradictoires que je recueille auprès des personnes dont la liberté d’esprit et le jugement m’inspirent le plus de confiance. Pour les unes, la proclamation de la République est certaine. Pour les autres, la restauration de l’Empire, sous la forme constitutionnelle, est inévitable.

Mais si Votre Excellence veut bien se contenter provisoirement de mes impressions, qui sont toutes dominées par la pensée de la guerre, voici comment j’entrevois le cours des choses :

A quelle date les forces auxquelles je viens de faire allusion