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son avènement au trône. Nous lui demandons de gouverner en pleine union avec les représentants de la nation qui siègent aux assemblées législatives, et de leur prêter un serment inviolable au nom de la patrie bien-aimée.

Nous faisons appel à tous les fils loyaux de la Russie, nous leur demandons d’accomplir leur devoir patriotique et sacré en obéissant au Tsar, dans cette pénible épreuve nationale, et de l’aider, avec les représentants du pays, à conduire l’État russe dans les voies de la gloire et de la prospérité.

Que Dieu aide la Russie !

NICOLAS.


Après avoir lu cet acte, écrit à la machine sur une feuille de papier vulgaire, les envoyés de la Douma, très émus, pouvant à peine parler, ont pris congé de Nicolas II, qui, toujours impassible, leur a serré la main aimablement.

Dès qu’ils sont sortis du wagon, le train impérial a été mis en marche sur Dwinsk, pour rentrer à Mohilew.

L’histoire compte peu d’événements aussi solennels, d’une signification aussi profonde, d’une portée aussi énorme. Mais, de tous ceux qu’elle a enregistrés, en est-il un seul qui se soit accompli en des formes aussi simples, aussi ordinaires, aussi prosaïques, et surtout avec une pareille indifférence, un pareil effacement du héros principal ?

Y a-t-il inconscience chez l’Empereur ? — Non. L’acte de son abdication, qu’il a longuement médité s’il ne l’a rédigé lui-même, est inspiré des plus hauts sentiments, et le ton général est d’une grandeur souveraine. Mais son attitude morale, en cette conjoncture suprême, apparaît toute logique, si l’on admet, comme je l’ai souvent noté, que, depuis des mois, le malheureux souverain se sentait condamné, que, depuis longtemps, il avait fait son sacrifice intérieur et accepté son destin.


L’avènement du grand-duc Michel au trône a soulevé la colère du Soviet : « Nous ne voulons plus des Romanow, s’est-on écrié de toutes parts ; nous voulons la République ! »

L’accord, si péniblement établi hier soir entre le Comité exécutif de la Douma et le Soviet, s’est un instant rompu. Mais, par peur des forcenés qui règnent à la gare de Finlande et à la Forteresse, les représentants de la Douma ont cédé. Une délégation