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Son ascendant est grand sur le Soviet. C’est un homme que nous devons essayer de gagner à notre cause. Seul, il est capable de faire comprendre au Soviet la nécessité de poursuivre la guerre et de maintenir l’Alliance. Aussi, je télégraphie à Paris pour suggérer à Briand de faire adresser immédiatement, par l’entremise de Kérensky, un appel des socialistes français au patriotisme des socialistes russes.


Mais tout l’intérêt de la journée se concentre sur la petite ville de Pskow, à mi-chemin entre Pétrograd et Dwinsk. C’est là que le train impérial, n’ayant pu atteindre Tsarskoïé-Sélo, s’est arrêté hier soir, à huit heures.

Parti de Mohilew le 13 mars à quatre heures et demie du matin, l’Empereur avait décidé de se rendre à Tsarskoïé-Sélo, où l’Impératrice le suppliait de revenir en toute urgence. Les nouvelles qu’on lui avait expédiées de Pétrograd ne l’inquiétaient que modérément. Il est d’ailleurs possible que le général Woyéïkow lui ait dissimulé une part de la vérité. Le 14 mars, vers trois heures du matin, comme la locomotive du train impérial s’approvisionnait d’eau à la station de Malaïa-Vichera, le général Zabel, chef du Régiment des chemins de fer de Sa Majesté, a pris sur lui de réveiller l’Empereur pour lui apprendre que la route de Pétrograd n’était plus libre et que Tsarskoïé-Sélo était au pouvoir des forces révolutionnaires. Après avoir exprimé sa surprise et son irritation de n’avoir pas été plus exactement renseigné, l’Empereur aurait dit :

— Moscou me restera fidèle. Allons à Moscou !

Puis il aurait ajouté, avec son apathie coutumière :

— Si la Révolution triomphe, j’abdiquerai volontiers. J’irai vivre à Livadia ; j’adore les fleurs.

Mais, à la gare de Dno, on a appris que tout le peuple de Moscou a acquiescé à la Révolution. Alors, l’Empereur a résolu de chercher asile au milieu de ses troupes, au quartier général des armées du Nord, commandées par le général Roussky, à Pskow.

Le train impérial est entré à Pskow, hier soir, à huit heures.

Le général Roussky est venu aussitôt conférer avec l’Empereur et lui a démontré sans peine qu’il devait abdiquer. Il a, de plus, invoqué l’opinion unanime du général Alexéïew et des commandants d’armées, qu’il avait consultés par le télégraphe.