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nécessaire que la colonne cessera de marcher droit et décrira un trajet incurvé dont la concavité sera à gauche. Pareillement, c’est parce que les rayons lumineux sont d’autant moins rapides qu’ils sont phis près du soleil, qu’on observe la déviation annoncée par Einstein.

Un des commentateurs d’Einstein, M. Gaston Moch, s’est mépris complètement à ce sujet et a publié de longs développements déduits par lui de ce que « dans les champs de gravitation plus puissants que le nôtre la vitesse de la lumière dépasse notablement la valeur qu’elle possède dans les faibles champs de gravitation (sic). »

S’il en avait été ainsi, il est clair qu’on pourrait observer dans la nature des vitesses plus grandes que V, et que l’accroissement de ces vitesses ne serait limitée que par la possibilité d’accroissement indéfini des masses matérielles de l’Univers. Malheureusement, c’est le contraire qui est vrai, ainsi que nous venons de le voir, et tous ces beaux développements reposent sur une interprétation des formules d’Einstein exactement contraire à la réalité.

Il ne faut point s’étonner dans ces conditions, — et je pourrais donner d’autres exemples analogues d’interprétations erronées des formules einsteiniennes, — des idées souvent absurdes qui règnent dans une partie du public au sujet de la Relativité, et dont les conversations mondaines propagent parfois des échos si amusants.

Bref, la vitesse V, la vitesse de la lumière et des ondes électriques dans le vide, en l’absence de tout champ de gravitation, est actuellement la plus grande vitesse connue dans la nature. Elle est une sorte de « record « imbattable, de pinacle, de mur infranchissable, dont rien, dans l’état actuel de la science, ne permet de croire qu’il sera jamais dépassé. Nous voilà loin des vitesses infiniment croissantes que l’ancienne mécanique rendait concevables et possibles... au moins théoriquement.

C’est dans ce sens que je me crois fondé à conclure que notre temps est non pas celui de la vitesse, mais au contraire celui de la limitation des vitesses.


CHARLES NORDMANN


P.-S. — Dans mon récent article, Einstein expose et discute sa théorie (Revue du 1er mai), une erreur typographique m’a fait parler (page 165, ligne 6) d’un concilium sans éther. C’est continuum sans éther que j’avais écrit.