Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/464

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les expériences les plus récentes et les plus complètes, les mieux affranchies de causes d’erreur sont celles de Perrotin qui ont donné pour cette vitesse 299 880 kilomètres, à 50 kilomètres près, et celles de Newcomb qui ont donné 299 860 kilomètres, à 30 kilomètres près. La moyenne de ces deux chiffres est 299 870 kilomètres qui est aujourd’hui la valeur la plus probable. Pratiquement ce nombre, dans les limites de ces incertitudes, est assez voisin de 300 000 kilomètres pour qu’on puisse les confondre ; mais cela ne veut pas dire que la nature s’est astreinte à donner à la lumière une vitesse qui représente un nombre rond dans le système métrique qui, malgré son caractère scientifique, est tout de même un système arbitraire. La nature est bonne fille, mais pas à ce point.

On peut s’étonner de ne voir la vitesse de la lumière fournie par l’expérience qu’avec une approximation d’une cinquantaine de kilomètres, alors que récemment, à propos de l’expérience de Michelson notamment, nous avons raisonné sur des différences de 2 ou 3 kilomètres comme sur des fractions décelables de cette vitesse. C’est qu’il ne faut pas confondre une mesure absolue avec une mesure différentielle. Les longueurs de deux règles ou de deux rails de chemins de fer peuvent être comparées, et on pourra savoir, à un millimètre près, quelle est la plus longue, alors qu’on ne connaîtra pas, à un millimètre près ni même à un centimètre près, leurs valeurs exactes. Pareillement on peut (comme dans l’expérience de Michelson), comparer, essayer de différencier, à une toute petite quantité près, les vitesses de deux rayons lumineux, sans qu’il soit pour cela besoin de connaître exactement les valeurs absolues de ces vitesses. Pour voir qu’un conscrit est plus petit ou plus grand qu’un autre, il suffit de les faire passer sous la même toise, sans qu’il soit besoin que cette toise soit exactement graduée, ni même graduée.

Il n’y a pas longtemps, on croyait qu’il existait dans la nature des vitesses bien supérieures à celle de la lumière. Les fondateurs de la mécanique classique pensaient, ou du moins raisonnaient comme s’ils avaient pensé que certaines actions mécaniques, notamment, se transmettent instantanément, c’est-à-dire avec une vitesse infinie.

Le grand Laplace a fait en particulier un calcul célèbre dans le dessein d’assigner une limite inférieure à la vitesse avec laquelle, selon lui, devait se propager la gravitation, car il répugnait à croire à une propagation absolument instantanée. « Il n’est pas vraisemblable, écrit-il, que la vertu attractive, ou plus généralement qu’aucune des forces qui s’exercent à distance, se communique dans