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traitent les maladies des pauvres humains : un beau nom supplée à un remède efficace, et on nomme aussi parfois des entités inexistantes.

Nous avons vu comment, codifiant les intuitions géniales de ses prédécesseurs, Einstein a établi sur des fondements admirables que, suivant l’expression d’Henri Poincaré, « on ne peut déceler que des vitesses relatives, » ou que, suivant celle de Mach, « les mouvements relatifs sont seuls déterminables. »

Nous ne pouvons constater que des vitesses relatives, c’est-à-dire des mouvements de choses sensibles par rapport à d’autres choses sensibles. Cela est évident presque, a priori, puisque le domaine delà vérité scientifique est limité à ce qui est sensible. La vitesse absolue, la vitesse par rapport à des repères absolument fixes, est une conception métaphysique et qui, jusqu’à maintenant, est sinon inconcevable, du moins inaccessible.

Il était indispensable de clarifier ce point important avant d’entrer dans l’examen plus détaillé des diverses vitesses relatives, réalisées et observées dans la nature... et on entend bien que l’industrie des hommes fait partie de la nature.

Le désir d’« aller vite » est un besoin naturel à l’homme et provient sans doute avant tout d’un instinct primordial que nous retrouvons chez les autres animaux et qui dérive des âges préhistoriques. La vitesse a été, dès l’origine, une nécessité de la vie pour permettre au faible d’échapper au fort, et pour permettre au fort de s’emparer de sa fuyante proie. D’où une sorte de concurrence vitale qui a contribué à développer dans le règne animal les moyens et les organes de locomotion. C’est ainsi que l’homme, comme ses frères inférieurs, a été naturellement amené à améliorer ses moyens naturels de locomotion et à les perfectionner par les machines.

De nos jours, — je veux dire depuis quelques dizaines de siècles, — ce pouvoir stimulant de la concurrence vitale et de la sélection naturelle sur la vitesse a pris une forme un peu différente, mais qui ne se distingue pas essentiellement de la forme ancestrale. La vitesse, nous l’avons vu, dépend à la fois de l’espace et du temps. Gagner de l’espace, ou plutôt franchir plus vite l’espace, — l’espace dont le franchissement est nécessaire, — c’est donc gagner du temps. L’homme ayant pris conscience de la brièveté de sa durée, et par une étrange contradiction n’ayant point cessé pourtant de bâtir éperdument des projets à longue échéance, a donc cherché dans la vitesse un moyen de prolonger en quelque sorte son existence en multipliant sa capacité