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100 000 kilomètres à l’heure. Ce n’est pas tout encore : le soleil est emporté quelque part, traînant derrière lui son misérable cortège de planètes esclaves, avec une vitesse qui, nous le savons, n’est pas négligeable non plus. Si bien que, finalement, on voit qu’il est impossible de savoir véritablement quelle est la vitesse, la vraie vitesse de notre cheval étalon.

Tout ce que nous pouvons réellement affirmer sans conteste, c’est la valeur de la vitesse du cheval par rapport au sol où il se déplace, c’est sa vitesse relative par rapport à son support matériel.

Quant à sa vitesse vraie, que les savants appellent aussi sa vitesse absolue, les avis sont depuis longtemps partagés sur la possibilité de la connaître.

Newton lui-même, qui croyait à l’espace absolu et au temps absolu, c’est-à-dire aux données nécessaires à la définition de la vitesse absolue, a eu là-dessus quelques scrupules lorsqu’il écrivait :

« Le mouvement absolu est la translation d’un corps d’un lieu absolu dans un autre lieu absolu, et le mouvement relatif est la translation d’un lieu relatif dans un autre lieu relatif... Nous nous servons donc des lieux et des mouvements relatifs à la place des lieux et des mouvements absolus ; il est à propos d’en user ainsi dans la vie civile ; mais dans les matières philosophiques il faut faire abstraction des sens ; car il peut se faire qu’il n’y ait aucun corps véritablement en repos auquel on puisse rapporter les lieux et les mouvements... Il faut avouer qu’il est très difficile de connaître les mouvements vrais de chaque corps et de les distinguer actuellement des mouvements apparents, parce que les parties de l’espace immobile dans lesquelles s’exécutent les mouvements vrais ne tombent pas sous nos sens. Cependant il ne faut pas en désespérer entièrement... »

Et là-dessus Newton indique quelques moyens qui lui semblent de nature à permettre la discrimination tant cherchée, et dont je reparlerai quelque jour.

Aujourd’hui, j’ai seulement voulu rappeler par ce texte combien le protagoniste le plus incontesté de l’espace absolu et du mouvement absolu était lui-même avant la lettre presque relativiste lorsqu’il s’agit de ce qui tombe « sous nos sens. » On a longtemps cherché le repère fixe, le poteau définitif, la borne essentielle auxquels ou put rattacher les déplacements absolus. Naumann lui a même donné un nom ; il l’a appelé le corps Alpha, ce qui est une façon de traiter les faiblesses de la physique un peu comme les médecins