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couler à Port-Arthur pour embouteiller le port et assista à un jeu terrible et brutal : le Botaoshi ; et, pour le saluer au départ, ces hommes essoufflés, sanglants, meurtris, alignés sur quatre rangs entonnèrent à pleine voix la Marseillaise que l’écho de la montagne répétait longuement, et l’hymne, en passant par leur bouche semblait l’expression du courage et de la vaillance enfermés dans leurs cœurs.

Pour rentrer à Miyajima, le Maréchal est monté à bord du Nagato, battant pavillon de l’amiral Totchinai, commandant la 1re flotte japonaise : c’est un cuirassé géant, qui fait partie du fameux programme naval japonais, dit programme 8-8 : il a été construit tout entier au Japon.

… Pendant le déjeuner, dans la salle à manger de l’amiral, les yeux des Français ne pouvaient quitter, sous une vitrine, une sorte de relique en argent : c’était le modèle des anciens bateaux de guerre japonais, à rames. Ils songeaient sans doute à l’effort de volonté qu’il a fallu à ce peuple, pour être capable en si peu d’années de construire de tels monstres, mais surtout à l’avenir…


DANS LE DÉTROIT DE TSUSHIMA
19 février.

Le Maréchal s’est embarqué ce soir, à Shimonoseki, à destination de la Corée.

La route de Miyajima à Shimonoseki, qui longe les grèves, s’est embellie d’un dernier tableau.

En longeant la baie de Yu, de la fenêtre de son wagon, il a passé une revue navale : trois cuirassés : le Nagato, son frère le Mitsu et l’Ise ; trois croiseurs de bataille : le Kongo, l’Hiei, le Kirishima ; enfin, trois croiseurs légers : le Kuma, le Tama et l’Oi, rangés en bataille pour le saluer une dernière fois.

C’est sur ce spectacle de puissance, magnifié par tout l’or et la pourpre d’un long crépuscule, que s’est terminé le séjour du Maréchal dans le vieux Japon.


André d’Arçais.

(À suivre.)