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l’adresse de chacun ; et on ne sait pas bien ce qui était le plus touchant, de tant de grâce puérile ou du génie de cette race qui sait transformer de si humbles détails en une cérémonie presque auguste.

Dans une pièce attenante, deux peintres « écrivent » maintenant pour le Maréchal, par terre, des Fuji, des bêtes et des plantes ; à côté d’eux, dans des vases de toutes formes, deux artistes font des « arrangements de fleurs, » une branche verticale qui représenté le ciel, une autre horizontale qui est la terre et la troisième inclinée qui est l’homme ; ils tordent les branches, les allègent des feuilles inutiles, referment une fleur trop épanouie ; quel autre peuple s’amuse ainsi avec les fleurs ?

Enfin pour la joie de ses hôtes, le maître a sorti de leurs cachettes où elles dorment, quelques-unes des merveilles qu’il possède : des brocards, de vieilles peintures, deux signées du grand Korin, des grès précieux, des laques, des porcelaines, tout le nécessaire d’une toilette féminine. Et puis c’est le retour dans le salon du rez-de-chaussée ; des fauteuils si profonds que la vue seule est un repos ; des meubles, des peintures d’Occident ; on passe des sandwiches, des boissons d’Europe ; seulement, il y a dans une alcôve à demi-obscure, dressée sur un chevalet, l’armure des Hisamatsu ; et le casque qui la surmonte est si effrayant dans l’ombre, qu’on croit voir l’apparition soudaine d’un ancêtre mécontent, fronçant le sourcil à ce luxe moderne.


LE BALLET TRICOLORE

Un soir, au Théâtre Impérial, la municipalité de Tokyo a offert une soirée de gala en l’honneur du Maréchal : c’était une sorte de ballet composé en son honneur.

La scène représente d’abord l’aspect qu’avait, il y a 40 ans, la campagne de Mousashino : au bleu clair de lune, des faucheuses en robe bleue dansent et chantent :

« Notre maison touche à une futaie de pins et est proche de la mer : le mont Fuji se montre tout près et pas une hutte ne la cache à nos yeux. Dans cette campagne, on entend seulement le cri des oies sauvages qui passent dans le ciel et les chants amoureux des insectes. »

Au 2e tableau, la neige tombe sur le château de Yédo, cons-