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jadis il eut pour son amie au temps des noces, le vieux jardinier au cœur plein d’amour !


LA PREMIÈRE HIRONDELLE

Son cri... son cri si cher, si précieux à l’oreille humaine, perce un beau soir un crépuscule encore frais, et, jusqu’au cœur, celui qui l’entend tressaille. Il s’émeut comme au cri du printemps qui vient de naître, cri nouveau-né qui parcourt le ciel, déchirant, rapide, acide et frais. Si toutes les vertes vies qui sortent de terre en ce même moment, avaient une voix, elles crieraient ainsi, elles crieraient ainsi !

C’est l’époque où le muguet perce le sol, première dent du petit printemps qui grandit, et que, avec attendrissement, l’on fête ; et cependant qu’il point tout blanc, elle arrive la noire et blanche étrangère ; elle arrive, ayant toujours l’air de venir non seulement de loin, mais aussi du fond du passé, avec son profil de reine d’Egypte.

Elle fait son nid au bord de nos toits, semble nous adopter et nous chérir ; patiente, à nos yeux charmés, elle éduque ses oisillons... mais c’est afin qu’ils nous quittent. Son aile agile et falquée. songe toujours au voyage.

Nous l’aimons avec une préférence mélancolique, parce qu’elle n’est pas tout à fait à nous ; parce qu’elle s’en va et revient, libre, lointaine, mystérieuse, comme un aigu et sombre amour, jamais fixé, jamais comblé.

Puis, au printemps, de nouveau, la voilà à la fois errante et fidèle, quand on échange le gai muguet qui refleurit pour son arrivée.

Et nul ne peut offrir à personne le cri, le premier cri de cette première hirondelle ; ce cri, à la fois familier et nostalgique, qui dans l’appel et le retour fait déjà tournoyer l’adieu.


LE FEU DE PRINTEMPS

Je vous salue, vieux sage, vous qui savez que tout est vain et qui, dans votre austérité souriante, êtes heureux de votre solitude, entre votre rêve et votre livre, un bouquet de tulipes déchiquetées, toutes jaunes, rouges et flamboyantes, et ce dernier feu printanier. Car le printemps est âpre ; les nuits sont glacées ;