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leurs fins ; connaissant tous les éléments du problème turc, ils ne permettront pas qu’on y apporte une solution, qu’ils n’auraient pas préalablement discutée et approuvée.

Vers la fin du mois d’avril 1921, arrivait à Constantinople, en qualité de haut-commissaire du gouvernement de Tokio, un des meilleurs diplomates que possède le Japon, M. Uchida. L’événement fut très commenté, à Constantinople et en Occident. Les journaux de Paris et de Londres témoignèrent, sous une forme discrète, de la surprise plus ou moins agréable qu’avait causée cette nouvelle. L’Ikdam, à Stamboul, montra moins de réserve et exprima tout simplement l’espoir « que le haut-commissaire japonais jouerait à Constantinople le rôle de médiateur entre les Turcs et une grande Puissance qui leur marquait de l’hostilité. » La censure supprima la suite de l’article ; M. Uchida remit les choses au point en quelques interviewes fort habiles ; il venait, disait-il, en observateur curieux et sympathique.

Observateur, il l’était jusqu’au bout de ses ongles pointus ; sa curiosité l’amenait naturellement à tout connaître et sa sympathie lui ouvrait à Stamboul les portes les plus difficiles et les cœurs les plus fermés. Il fut en peu de temps l’homme le mieux renseigné de tout le corps diplomatique. Mais il était visible que Constantinople n’absorbait pas entièrement son attention. Le service de renseignements qu’il avait installé poussait ses antennes jusqu’au Caucase et à l’Asie centrale. Rien d’important ne se passait en Géorgie ou en Azerbaïdjan, en Afghanistan ou en Perse, sans que le bureau japonais de Constantinople en fût rapidement informé. On en conclut que le Japon se préoccupait d’avoir une politique en Asie centrale, ce qui était tout naturel ; on aurait pu observer en outre, ce qui était plus nouveau, qu’il avait conscience des liens qui unissent les nations du centre de l’Asie aux Turcs d’Angora, à ceux de Constantinople, et au Califat. Que le Califat musulman pût rendre certains services au Japon dans le cas d’un conflit avec la Chine, c’était une explication : il y en avait d’autres moins lointaines.

Plus encore que l’Américain, le Japonais s’est gardé de prendre jamais parti pour ou contre la politique orientale de telle Puissance européenne. Mais ils ont marqué l’un et l’autre, en plus d’une occasion, leur sympathie pour le peuple turc et